Un rapport très attendu, avant des arbitrages délicats: la Cour des comptes publiera jeudi son audit des comptes publics, qui déterminera l'ampleur des économies à réaliser, en 2017 comme en 2018, afin que la France respecte ses engagements européens.
Quelles sont les marges de manoeuvre dont dispose l'exécutif? Y a-t-il un risque de dérapage budgétaire ? Ces dernières semaines, le gouvernement a multiplié les mises en garde, laissant présager un tour de vis alors que se prépare le premier budget du quinquennat Macron.
"Si nous ne faisons rien d'ici la fin de l'année, nous ne tiendrons pas nos engagements européens", a affirmé sans détour le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lundi soir sur TF1 (PA:TFFP).
Avant lui, le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, avaient laissé entrevoir un risque de dérapage budgétaire.
En cause, selon eux: les effets différés de décisions prises sous François Hollande, comme la hausse du point de l'indice des fonctionnaires, mais aussi les reports de charge - c'est-à-dire des dépenses engagées mais pas encore payées - décidés par Bercy ces derniers mois.
"L'accélération de la croissance des dépenses fiscales et les reports de charges créent un risque sur l'exécution 2017", a prévenu la Cour des comptes dans un précédent rapport, estimant que les "incertitudes sur le budget de l'Etat" s'étaient "renforcées".
- Patte blanche -
La France s'est engagée à ramener son déficit public à 2,8% du produit intérieur brut (PIB) cette année, après 3,6% en 2015 et 3,4% en 2016, afin de repasser sous la barre fatidique des 3% exigée par les traités européens, pour la première fois depuis 10 ans.
Mais cet objectif est jugé intenable par la plupart des observateurs, qui anticipent un déficit à 3,1% voire 3,3% du PIB à la fin de l'année. Soit un dérapage de 2 à 6 milliards d'euros par rapport au cap des 3%.
Pour le gouvernement, soucieux de montrer patte blanche auprès de Bruxelles, l'enjeu est essentiel. Si la France ne passait pas sous la barre des 3% cette année, "la crédibilité de sa parole en Europe ne serait plus garantie", a fait valoir Bruno Le Maire lundi soir.
Peu de chances en effet que Paris, qui a déjà bénéficié de deux délais de deux ans, obtienne une nouvelle rallonge de Bruxelles. "La France peut et doit passer en-dessous des 3% en 2017 et doit consolider ça en 2018", a rappelé lundi le commissaire européen, Pierre Moscovici.
- Calendrier compliqué -
Pour atteindre l'objectif, "il ne faut pas passer le rabot sur un ministère ou sur un autre", a expliqué M. Le Maire lundi, écartant de nouvelles hausses d'impôts.
"Il faut que l'Etat, les collectivités locales, les dépenses sociales, chacun fasse un effort pour qu'au bout du compte nous retrouvions notre liberté et nous respections nos engagements européens", a-t-il ajouté.
Au-delà de 2017, c'est pour 2018 que la situation s'annonce compliquée. Emmanuel Macron a en effet promis une série de mesures fiscales l'an prochain, comme la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF), la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des ménages ou la transformation du Cice en baisse de charges.
Or ces réformes, couplées à ce que certains appellent les "bombes à retardement" de François Hollande, mais aussi aux hausses de dépenses prévues pour les secteurs jugés prioritaires, pourraient faire exploser la facture pour l'Etat, malgré le regain de croissance observé ces derniers mois.
De quoi obliger le gouvernement à revoir son calendrier de réformes ? "L'équation budgétaire en 2018 va être très difficile à résoudre. Il va sans doute falloir faire des compromis", juge auprès de l'AFP François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur du site fipeco.fr.
Parmi les pistes avancées figure un report à 2019 de la transformation du Cice en baisses de charges, jugée coûteuse et complexe. Cette réforme "est indispensable" mais "je veux d'abord ouvrir des discussions avec les entrepreneurs pour étudier les meilleurs moyens de la réaliser", a indiqué Bruno Le Maire.