Le ministre de l'Agriculture Stephane Travert a annoncé jeudi une redistribution des aides européennes afin de remédier à une partie des déficits creusés notamment par le boom de l'agriculture biologique, suscitant la colère d'organisations agricoles et environnementales.
Stéphane Travert "a décidé un transfert à hauteur de 4,2% des montants des crédits du pilier I de la PAC (politique agricole commune) vers le pilier II", a annoncé le ministère jeudi dans un communiqué, très attendu par les professionnels du secteur.
Ce taux de transfert de crédits a immédiatement été jugée "inacceptable" par la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, car il prive selon elle les exploitants agricoles d'aides qui auraient été bienvenues au moment où le secteur "traverse une crise grave avec des prix de marché qui ne couvrent plus les coûts de production".
C'est un "très mauvais signal à l'heure du lancement des Etats généraux de l'Alimentation" a ajouté la FNSEA.
Les céréaliers, notamment, étaient farouchement contre cette mesure, réclamant depuis plusieurs jours qu'aucun nouveau transfert n'ait lieu.
Le pilier I de la PAC, consacré aux aides à l'hectare, profite massivement aux céréaliers et à l'agriculture dite conventionnelle.
Le pilier II consacré au "développement rural" profite surtout aux exploitations de zones de montagne, à l'installation de jeunes agriculteurs et au développement du bio.
"Ces choix", fait valoir le ministère, sont motivés par la "volonté" du ministre "que les crédits de la PAC servent l'ensemble de l'agriculture française, avec une attention particulière aux zones les plus défavorisées et aux secteurs fragiles comme l'élevage" (...), un des rares secteurs qui n'ait pas fait entendre sa voix, jeudi.
Opérer ce tranfert maintenant, "ça permet de lisser l'effort sur ce qu'on prélève sur une période plus longue", fait-on valoir dans l'entourage de Stéphane Travert, affirmant que "le ministre a veillé à ce que l'impact soit le moins fort possible".
Pour justifier sa décision, le ministère évoque notamment le "montée en puissance du bio", et l'assèchement des aides européennes -gérées par les régions- prévues pour aider à la conversion en bio et au maintien des exploitations bio.
- "Sabotage" des aides au bio -
Mercredi, devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Travert avait indiqué s'être retrouvé devant "une impasse financière de près de 853 millions d'euros" pour le financement du pilier II jusqu'en 2020.
Mais les organisations environnementales, au premier rang desquelles Greenpeace, estiment pour leur part que le gouvernement n'est pas allé assez loin et s'est livré à un "sabotage" des aides à la bio.
Le ministre "vient une nouvelle fois de donner la priorité à l'agriculture conventionnelle", dénonce l'ONG qui craint que le transfert ne bénéficie "au final qu'aux zones de montagne", et "pas du tout au financement de l'agriculture biologique ou des mesures agro-environnementales".
Ce transfert est bien en deçà de ce que souhaitait la principale organisation d'agriculteurs bio en France, la FNAB, qui réclamait un "vrai choix" en faveur d'une transition agricole et environnementale.
Le gouvernement "a clairement laissé la FNSEA arbitrer la PAC 2018", a renchéri le syndicat agricole Confédération paysanne, classé à gauche, qui évoque une "trahison" et estime qu'on "sacrifie l'agriculture biologique".
Mais la "Conf" déplore surtout une autre annonce faite jeudi par le ministre, le maintien à 10% du paiement redistributif, une aide qui s'ajoute aux paiements "de base" pour valoriser les productions à forte valeur ajoutée ou génératrices d'emploi, notamment pour les petites fermes.
Le syndicat réclamait une majoration supérieure pour les petites fermes familiales. Le maintien au montant actuel peut être interprété comme un geste à l'égard des céréaliers, qui étaient fermement opposés à tout changement du dispositif.