Le Congo-Brazzaville a annoncé jeudi qu'il allait changer de gouvernement, procédure normale après les élections législatives mais qui intervient en pleine récession économique dans ce pays en négociations délicates avec le Fonds monétaire international (FMI).
Le Premier ministre congolais Clément Mouamba a présenté mercredi la démission de son gouvernement au président Denis Sassou Nguesso, qui l'a acceptée, a annoncé jeudi la présidence de la République. Une annonce formelle moins de 15 jours après les législatives largement remportées par le Parti congolais du Travail (PCT) au pouvoir.
Cette annonce intervient aussi deux jours après que le président Sassou Nguesso a reconnu que le Congo, pays producteur de pétrole compte 4,5 millions d'habitants, traverse une grave crise économique.
"Ces difficultés étaient au départ financières. Elles gagnent aujourd'hui le champ économique en général", a déclaré le président à l'occasion du 57e anniversaire de l'indépendance le 15 août.
"Les recettes budgétaires et les investissements publics sont en baisse continue. Presque tous les secteurs de l'économie nationale sont touchés par la récession", a-t-il ajouté.
Le Congo mène des négociations difficiles avec le FMI. De telles discussions se sont déjà traduites par des prêts dans d'autres pays de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac), comme le Gabon.
Cas à part, le Congo a caché une partie de sa dette, a révélé le FMI fin juillet, avançant un ratio à 117% du PIB et non plus 77% comme annoncé par Brazzaville. "Il n'y a ni faillite, ni banqueroute. La crise sera surmontée", a tenu à rassurer Denis Sassou Nguesso.
Aucune date n'a été annoncée pour la formation du prochain gouvernement, qui devra poursuivre avec le FMI ces discussions sur "un programme économique destiné à restaurer la stabilité macro-économique".
L'opposition craint déjà un simple changement de gouvernement sans changement de cap politique.
- "Prisonniers politiques" -
"Le président peut former même 1.000 gouvernements, ça ne nous intéresse pas du tout. Il faut que les Congolais se retrouvent dans un dialogue qui peut nous aider à (trouver) des solutions", a déclaré l'ex-ministre des Finances et dirigeant du Collectif des partis de l'opposition, Mathias Dzon, lors d'une conférence de presse jeudi.
"Le gouvernement démissionnaire a caché la dette au FMI. De nombreux ministres vont certainement être reconduits dans le prochain. Vous pensez qu'on peut compter sur de tels hommes?", s'est interrogé un autre opposant, Jean Itadi, qui demande "un dialogue inclusif" et "la libération des prisonniers politiques".
Deux anciens candidats à l'élection présidentielle de 2016, qui n'ont pas reconnu la réélection de M. Sassou Nguesso, demeurent en prison. Le général Jean-Marie Michel Mokoko, 70 ans, et André Okombi Salissa sont officiellement poursuivis "pour atteinte à la sûreté intérieure de l’État".
"Pour son dossier, c'est le statu quo. C'est un problème politique avant tout", affirme une source proche de M. Mokoko jointe par l'AFP.
L'ex-directeur de campagne de M. Okombi Salissa, lui aussi en prison, Jacques Banangandzala, a été conduit sous escorte médicale il y a quelques jours dans un hôpital à Brazzaville.
"Le directeur de la maison d'arrêt a ordonné de le ramener dans sa cellule alors qu'il serait atteint d'une pneumonie", a déploré son avocat français Norbert Tricaud.
Jointe par l'AFP, l'une des filles de M. Banangandzala a affirmé que son père allait mieux, tout en souhaitant "qu'il soit libéré".
Le Congo doit également faire face à la crise sécuritaire dans la région du Pool, où les élections législatives n'ont pas pu avoir lieu dans neuf des 14 circonscriptions.
Dans son message, le président a de nouveau attribué les troubles dans cette région voisine de Brazzaville à Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, et à ses ex-combattants "ninjas".
"Encore une fois, je demande à Frédéric Bintsamou de se rendre à la justice de notre pays, pour abréger les souffrances des populations innocentes", a lancé le dirigeant congolais. Selon le gouvernement et l'ONU, au moins 138.000 personnes - soit la plus de la moitié de la population de cette région - sont en détresse dans le Pool et font face à des besoins humanitaires criants.