Ils sont ses meilleurs clients: des négociants nord-coréens commandent régulièrement des panneaux solaires au magasin de Mme Yuan, dans la ville chinoise frontalière de Dandong, signe de l'appétit de Pyongyang pour les énergies renouvelables et d'échanges commerciaux épargnés par les sanctions internationales.
Yuan Huan, gérante du magasin "Sangle Solar Power", reçoit la visite, plusieurs fois par mois, d'acheteurs nord-coréens accompagnés de traducteurs et habitués à régler de fortes sommes en liquide.
Washington presse la Chine, principal allié de Pyongyang, de limiter ses échanges avec son turbulent voisin, et les sanctions économiques internationales ont été durcies après de nouveaux tests nucléaires en juillet par le régime de Kim Jong-Un.
Mais à Dandong, localité du Liaoning (nord-est) par laquelle passent 70% du commerce bilatéral sino-nord-coréen, les affaires continuent: le boom des achats de panneaux solaires, amorcé il y a vingt ans, reste d'actualité, assure Mme Yuan à l'AFP.
En Corée du Nord, un pays dépendant de générateurs électriques souvent obsolètes et où les pannes de courant sont légion, le photovoltaïque a le vent en poupe: le Nautilus Institute de l'université Berkeley a estimé que, fin 2014, environ 2% des Nord-Coréens étaient équipés de panneaux solaires.
En application des sanctions adoptées à l'ONU, Pékin a certes annoncé la semaine dernière suspendre toutes ses importations de fer, plomb et produits de la mer nord-coréens, en sus de l'interruption depuis février de ses achats de charbon.
Mais les équipements photovoltaïques, eux, ne figurent pas sur la liste noire.
- Épargnés par les sanctions -
"Il semble que, dans l'ensemble, il y ait un peu moins de négociants nord-coréens ces derniers temps, mais nous restons relativement épargnés", se félicite un autre commerçant, Shi Zhiyong, tenancier de la boutique "Huang Ming Solar Power".
"Dès 2009, j'ai commencé à voir croître le nombre de mes clients nord-coréens, et depuis, leur nombre n'a cessé de grimper", insiste-t-il.
La plupart d'entre eux préfèrent venir en personne visiter les magasins plutôt que de commander par téléphone, souligne de son côté Yuan Huan. "C'est facile pour eux d'aller et venir! Certains achètent vingt unités à la fois", se réjouit-elle.
Après avoir reçu des commandes, Mme Yuan dépose les marchandises à un dépôt sur le bord du fleuve Yalu qui sépare les deux pays, avant que les colis ne soient acheminés sur l'autre rive.
Certes, plusieurs usines de cellules photovoltaïques ont entamé leur production en Corée du Nord, selon des médias étatiques du pays, mais visiblement sans répondre à une demande en pleine expansion, que seule l'offre chinoise permet d’assouvir.
L'an dernier, la Chine a ainsi exporté 466.248 panneaux solaires vers son voisin, selon les Douanes chinoises.
Parmi les articles à succès, figure le chauffe-eau doté de panneaux photovoltaïques, à installer sur le toit: un équipement vendu entre 2.700 et 14.000 yuans l'unité (345-1780 euros), selon les deux commerçants.
C'est un baromètre intéressant: ces achats réalisés par des ménages, des bureaux ou des usines montrent qu'un certain nombre de résidents citadins en Corée du Nord ont des revenus adéquats disponibles, observe Curtis Melvin, chercheur à la Johns Hopkins University (USA).
- Fourmis séchées -
Si l'on excepte le carburant, "il ne semble pas y avoir de preuves flagrantes que les sanctions adoptées précédemment aient eu de drastiques répercussions sur l'économie nord-coréenne dans son ensemble", indique M. Malvin à l'AFP.
Si les importations chinoises ont reculé de 13,2% sur un an au premier semestre --un repli reflétant les sanctions onusiennes--, la Corée du nord en revanche a gonflé de 29% ses emplettes auprès de la Chine.
Et pour certains articles supposément bannis des échanges, le négoce se poursuit à Dandong --où l'AFP a pu découvrir des boutiques proposant des bijoux fabriqués à partir de minerai d'or nord-coréen.
Sur la rive chinoise du fleuve Yalu, des magasins proposent un vaste éventail de biens importés de l'autre côté: racines de ginseng, champignons et même fourmis séchées --un médicament anti-rhumatisme dans la pharmacopée traditionnelle.
Et en dépit des sanctions, une longue file de camions continue de traverser chaque jour le "Pont de l'amitié" reliant les deux berges ; Pékin fait volontiers valoir qu'un isolement économique totale du pays pourrait s'avérer plus dangereux qu'efficace.