L'inquiétude grandissait jeudi dans les milieux économiques en Espagne, alors qu'aucune solution ne semblait en vue pour résoudre la crise entre Madrid et les dirigeants séparatistes de Catalogne qui menacent de déclarer l'indépendance dès lundi.
Jeudi matin, la Bourse de Madrid reprenait quelques couleurs (+0,75% vers 08H30 GMT) au lendemain d'une chute de près de 3%. Les titres des banques catalanes CaixaBank et Banco de Sabadell restaient proches de l'équilibre, mais très volatiles, après avoir cédé respectivement près de 5 et 6% mercredi.
Toute la presse espagnole mettait à la une jeudi l'inquiétude économique, notamment El Pais. Le quotidien le plus lu du pays soulignait que le plongeon boursier de la veille était "le pire depuis le Brexit" dans la quatrième économie de la zone euro.
"Nous n'écartons pas la possibilité de rebonds ponctuels", mais "jusqu'à ce que la situation en Catalogne s'éclaircisse, il semble compliqué que la Bourse espagnole puisse repartir à la hausse avec conviction", estimait le cabinet Link Analisis dans une note.
Malgré un appel au dialogue de la Commission européenne, le président séparatiste catalan a surenchéri mercredi soir dans son duel avec Madrid, répondant au roi Felipe VI, qui, 24 heures plus tôt, avait accusé les autorités catalanes de manifester une "déloyauté inadmissible" en ignorant les lois et la Constitution.
Carles Puigdemont a estimé que le souverain avait "délibérément ignoré des millions de Catalans", sans chercher à tendre la main à l'ensemble des habitants de la région, alors que le référendum d'autodétermination interdit de dimanche a été suivi d'une grève générale et de manifestations monstres.
Soufflant le chaud et le froid, il a insisté sur son souhait d'une médiation pour résoudre la crise, mais il a aussi souligné que ses partisans étaient plus près "de leur désir historique": l'indépendance.
La tension a poussé l'agence de notation financière SP Global Ratings à annoncer qu'elle envisageait d'abaisser la note de la dette catalane, ce qui rendrait encore plus compliqué son financement sur les marchés internationaux.
La Catalogne est l'une des régions espagnoles les plus endettées, à hauteur de 35,2% de son produit intérieur brut (PIB). La région, qui fournit un cinquième du PIB espagnol, doit régulièrement puiser des liquidités dans un fonds spécial de l’État central.
"Toute l'Espagne commence à souffrir de l'effet +Puigdemont+, c'est un effet destructeur sur l'économie", a déclaré jeudi matin Esteban Gonzalez Pons, eurodéputé espagnol conservateur, vice-président du groupe du Parti populaire au Parlement européen.
- Déménagements d'entreprises? -
Ces derniers jours, de grands patrons catalans tout comme l'organisation patronale nationale CEOE ont fait part de leur "préoccupation maximale" devant une éventuelle déclaration d'indépendance.
Tout en condamnant la violence lors du référendum de dimanche, le Cercle d'Economia, un important lobby patronal catalan, a estimé qu'"une telle déclaration plongerait le pays dans une situation extrêmement complexe, aux conséquences inconnues, mais dans tous les cas très graves".
Les présidents des banques Caixa et Sabadell, et du parfumeur Puig (propriétaire de Nina Ricci et Jean Paul Gaultier) font notamment partie de cette association.
Josep Oliu, le patron de Sabadell, a fait mardi une allusion voilée à la possibilité de déménager le siège social de sa banque en cas d'indépendance de la Catalogne et de sortie de l'UE, qui lui ferait perdre sa source de financement au sein de la Banque centrale européenne.
"Je peux vous assurer que la banque, si c'était nécessaire, prendrait des mesures suffisantes (...) pour protéger les intérêts de nos clients dans le cadre de l'Union européenne et du système de supervision bancaire européen", a-t-il dit.
Le spectre de déménagements d'entreprises plane, alors qu'Oryzon, une petite entreprise catalane de biotechnologies, a annoncé mardi son départ de Barcelone pour Madrid.
En août, le groupe d'alimentation diététique NaturHouse a fait de même. Le président de la maison d'édition Planeta, la plus importante du monde hispanique, s'était dit prêt dès 2012 à quitter la Catalogne en cas d'indépendance.
Et, selon le grand quotidien catalan La Vanguardia, "des messages d'alarmes de certains milieux économiques ont été transmis à la Generalitat", l'exécutif catalan.
Dans le cas des banques, la crainte d'une fuite des dépôts commence aussi à être évoquée, même si le ministre espagnol de l’Économie Luis de Guindos a affirmé mercredi que "les clients n'ont rien à craindre".