L'Union européenne et les pays producteurs d'Amérique latine ont paraphé mardi un accord historique mettant fin à plus de 15 ans de "guerre de la banane", qui pourrait offrir un "ballon d'oxygène" aux négociations sur la libéralisation des échanges.
L'accord, paraphé à Genève à l'issue d'un marathon de discussions qui s'étaient intensifiées ces dernières semaines, conclut l'une des "sagas" les plus "sensibles" et "complexes" jamais portées devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a commenté le directeur de l'OMC Pascal Lamy.
Fruit d'un "compromis qui convient à toutes les parties", selon le président de la Commission européenne chef José Manuel Barroso, il met de fait un terme au conflit qui oppose les grands producteurs latino-américains, rejoints par les Etats-Unis, à l'Union europenne depuis plusieurs décennies.
Remontant au Traité de Rome (1957), la "guerre" de la banane s'était intensifiée en 1993 quand Bruxelles avait mis en place un régime préférentiel pour les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique).
Ce régime douanier, permettant aux ACP d'accéder au marché européen de la banane sans droits de douane, a ouvert la voie à une longue série de plaintes à l'OMC des pays latino-américains qui ont chaque fois abouti à une condamnation de Bruxelles.
Le nouvel accord doit remettre un peu d'ordre dans le système européen, selon les experts. Il prévoit ainsi que l'Union européenne abaisse graduellement ses droits de douane sur les bananes de 176 euros la tonne, actuellement à 114 euros, d'ici 2017.
Le premier palier de 148 euros doit être appliqué "dès que l'accord sera signé par les parties", selon l'UE. Soit quelque quatre mois après le paraphe effectué mardi, selon la mission de l'Equateur.
L'accord prévoit également plusieurs clauses concernant les autres pays parties prenantes du conflit, les Etats-Unis et les ACP.
A Washington, les Etats-Unis, pays d'implantation de trois des plus grands producteurs présents en Amérique latine (Chiquita, Del Monte et Dole), ont par ailleurs annoncé avoir paraphé un accord "complémentaire" avec l'UE qui devrait aboutir "au règlement des différents conflits sur la banane et des plaintes contre l'UE" devant l'OMC.
Quant aux pays ACP, en majorité d'anciennes colonies européennes, l'Union européenne a prévu une enveloppe allant "jusqu'à 200 millions d'euros" pour les aider à "s'ajuster à une concurrence plus sévère de l'Amérique Latine".
En 2008, ces pays avaient exporté quelque 920.000 tonnes de bananes vers l'UE en 2008 contre 3,9 millions de tonnes exportés par les grands producteurs tels que l'Equateur, le Brésil, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras...
Contrastant avec le flot de satisfecit, les pays ACP n'ont pas caché leur désarroi.
"Nous ne sommes pas satisfaits du montant" accordé par l'UE, a expliqué le chef du groupe ACP, l'ambassadeur du Surinam à Bruxelles, Gerhard Otmar Hiwat.
Selon une étude publiée mardi par l'ONG International Centre for Trade and Sustainable Development (ICTSD), l'accord devrait de fait les toucher de plein fouet en entraînant une chute de 14% de leurs exportations tandis que celles des pays latino-américains devraient croître de 17%.
Des chiffres que ne confirment pas les ACP, mais qui expliquent l'inquiétude de certains. "Des pays comme le Cameroun ou la Côte d'Ivoire ne devraient pas trop souffrir mais d'autres comme la Jamaïque ou le Ghana pourraient être exclus du marché", souligne ainsi une source diplomatique proche des négociations.
Mais globalement, l'accord de Genève devrait permettre de "stimuler" le système commercial international, a assuré M. Barroso.
"J'espère que le même esprit de pragmatisme, de créativité et de diplomatie permettra de revigorer les négociations du cycle de Doha", a renchéri Pascal Lamy, qui tente depuis des mois de relancer les laborieux pourparlers engagés en 2001 dans la capitale du Qatar.
Pour l'ambassadeur du Costa Rica auprès de l'OMC Ronald Saborio, il s'agit même "d'un ballon d'oxygène pour le cycle de Doha".