BRUXELLES/PARIS (Reuters) - La France a tracé à nouveau mercredi les lignes rouges à ne pas franchir dans les négociations en cours entre la Commission européenne et le Mercosur, le marché commun d'Amérique du Sud, en particulier concernant les quotas d'importation de boeuf.
"Nous sommes très vigilants" sur la conduite des discussions dans les semaines à venir, a déclaré Stéphane Travert devant les députés français.
L'Union européenne a proposé d'ouvrir davantage son marché au boeuf sud-américain pour accélérer les discussions avec le Mercosur en vue de la signature d'un accord de libre-échange sur le même principe que le Ceta conclu avec le Canada.
Les ministres de quatre pays sud-américains - Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay - ont été reçus mardi à Bruxelles par les commissaires européens au Commerce et à l'Agriculture pour faire progresser les tractations, en particulier sur la question sensible de la viande.
L'UE aurait à cette occasion proposé d'importer 99.000 tonnes de boeuf sud-américain par an, au lieu de 70.000 tonnes, a-t-on appris mercredi de sources proches des discussions.
Bruxelles espère ainsi convaincre le Mercosur d'ouvrir plus rapidement son marché aux voitures et aux produits laitiers européens, et d'autoriser les sociétés de l'UE à répondre aux appels d'offres publics.
La Commission européenne, qui mène les négociations au nom des Etats membres, a qualifié les discussions de "constructives" et indiqué qu'elles se poursuivraient vendredi.
Son vice-président, Jyrki Katainen, a précisé pendant une conférence de presse que les discussions étaient entrées "dans la dernière ligne droite" et a affiché son optimisme sur leur conclusion.
Un accord de libre-échange avec le Mercosur pourrait être le plus avantageux signé par l'UE à ce jour, avec des économies de droits de douane estimées trois fois supérieures à celles des accords conclus avec le Canada ou le Japon.
"LIGNE ROUGE"
Un tel accord suscite cependant les réticences des pays européens producteurs de boeuf, comme l'Irlande et la France, qui s'étaient déjà inquiétés en octobre de l'impact de l'importation annuelle de 70.000 tonnes de boeuf sud-américain sur leurs propres éleveurs.
Stéphane Travert a cité au nombre des obstacles les droits de douane, les labels géographiques, les obligations sanitaires imposées aux pays sud-américains mais aussi la question bovine.
"Pour ce qui concerne le boeuf, le volume de contingent doit s'écarter le moins possible du volume jusqu'ici présenté dans l'offre européenne (70.000 tonnes-NDLR)", a estimé le ministre français pour qui il s'agit d'une "ligne rouge".
Cette déclaration semble tempérer des informations du Monde, selon lesquelles l'exécutif français serait désormais disposé à donner sa bénédiction à une nouvelle offre européenne alors même qu'Emmanuel Macron avait exprimé de fortes réserves en octobre dernier.
Il y a trois mois, le président français avait dit qu'il n'était "pas favorable à ce que nous nous précipitions".
Il serait désormais partisan d'une finalisation "rapide" des tractations, écrit Le Monde, qui parle d'un revirement.
Les groupements européens d'agriculteurs Copa et Cogeca ont pour leur part jugé la nouvelle proposition de l'UE inacceptable, rappelant que les trois quarts des importations de boeuf des Vingt-Huit (246.000 tonnes par an) proviennent déjà du Mercosur et que le Brexit risque d'affecter davantage l'Irlande, dont le Royaume-Uni absorbe à lui seul 52% de la production de boeuf.
En France, la Confédération paysanne estime dans un communiqué que des importations massives de viandes sud-américaines entraîneraient "la disparition de nombreux producteurs".
(Philip Blenkinsop avec Yann Le Guernigou et Simon Carraud à Paris; édité par Tangi Salaün, Véronique Tison et Yves Clarisse)