par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - (Bien lire 400 blessés et non morts, § 2)
Le ministère public a requis mardi quatre ans de prison contre Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah, qui ont logé deux auteurs des attentats du 13 novembre 2015, mais s'est montré plus sévère pour le seul des trois prévenus à comparaître libre.
Il a ainsi requis cinq ans de détention contre Youssef Aït-Boulahcen, ambulancier de 25 ans, cousin d'Abdelhamid Abaaoud, un des organisateurs présumés de ces attentats qui ont fait 130 morts et plus de 400 blessés à Paris et Saint-Denis.
Pour le procureur, ce jeune homme au visage aussi lisse que son comportement pendant le procès, à l'allure d'intellectuel et au langage châtié, jugé pour non-dénonciation d'acte terroriste, est le prévenu "qui a le profil de plus inquiétant".
Des documents salafistes, djihadistes ou antisémites et un montage comportant une photo d'Abaaoud ont été retrouvés dans les téléphones portables et l'ordinateur de cet homme, qui a changé de nom et s'appelle désormais Youssef Assalam.
Le ministère public lui reproche aussi, notamment, de n'avoir jamais signalé la radicalisation de sa soeur, Hasna Aït-Boulahcen, protagoniste clef dans ce dossier, d'avoir détruit une carte téléphonique et effacé une puce après les faits.
"On a affaire à quelqu'un qui adhérait parfaitement a l'idéologie de l'Etat islamique (...) M. Assalam est une personne qui fait froid dans le dos", a déclaré le procureur avant de demander pour lui le maximum de la peine encourue.
Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah, délinquants récidivistes, marchand de sommeil à ses heures pour l'un, trafiquant de drogue pour l'autre, sont, eux, jugés pour recel de terroristes.
"PIÈCES RAPPORTÉES"
Une incrimination que le procureur a refusé de requalifier en recel aggravé, comme le demandent certaines des 687 parties civiles, représentées par 122 avocats, dans ce premier procès lié aux attentats de 2015, avec celui qui vise à Bruxelles Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos.
"Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah sont dans ce dossier véritablement des pièces rapportées", a-t-il expliqué.
Mohamed Soumah, 28 ans, avait joué les intermédiaires entre Hasan Aït-Boulahcen, en quête d'une planque pour Abaaoud et son complice Chakib Akrouh, et Jawad Bendaoud, 31 ans, qui leur a loué un squat à Saint-Denis 150 euros pour trois jours.
La jeune femme y a péri avec les deux djihadistes en cavale lors de l'assaut du Raid, le 18 novembre 2015.
Pour le procureur, Bendaoud et Soumah, en "délinquants chevronnés", ne pouvaient ignorer qu'ils aidaient des criminels.
Mais rien ne prouve selon lui, dans ce dossier qu'ils connaissaient la nature des crimes commis par les fuyards.
Tout au long des audiences, Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah ont mis en avant leur profil de voyous de droit commun mûs par l'appât du gain, pour convaincre la cour qu'ils n'avaient rien de terroristes et ignoraient à qui ils avaient affaire.
A l'issue du réquisitoire, qu'il a ponctué de hochements de tête approbateurs, Jawad Bendaoud est apparu soulagé.
Ses facéties, ses outrances, ses coups de gueule contre des avocats des parties civiles et Mohamed Soumah, lui ont valu pendant les premiers jours du procès des remontrances répétées de la présidente du tribunal mais aussi de ses propres avocats.
Il s'est ainsi installé en vedette malgré lui de ce dossier, au point d'éclipser ses co-prévenus. Jusqu'au réquisitoire.
Du côté des parties civiles, on s'étonne que le procureur ait requis la même peine pour Bendaoud et Soumah : "Il traite les deux comme si leur implication était similaire", a ainsi déclaré à Reuters l'avocate Claire Josserand-Schmidt, qui se dit "effarée" par la "naïveté" du ministère public.
Pour elle, il ne fait pas de doute que Mohamed Soumah est intervenu "à chaque étape de l’organisation de la planque" et a ainsi aidé à mettre à exécution des "ordres venus de Belgique".
L'avocat de Youssef Aït-Boulahcen, Me Florian Lastelle, s'est quant a lui dit "effrayé" par la peine requise pour son client, invoquant son casier judiciaire vierge et une "intégration parfaite" pour demander la relaxe.
(Edité par Yves Clarisse)