Les compagnies pétrolières asiatiques, principalement les chinoises CNOOC et CNPC, seront les vedettes des premières enchères d'attribution de concessions de gisements pétroliers pré-salifères dans l'océan Atlantique le 21 octobre à Rio de Janeiro, prévoient les experts du secteur.
Le gisement proposé est celui de Libra, situé en eaux très profondes dans le bassin de Santos (sud-est) avec des réserves de pétrole récupérables de 8 à 12 milliards de barils qui pourront produire près d'un million de barils de brut par jour dans cinq ans, selon l'Agence nationale du pétrole (ANP).
"Les marchés tablent sur le fait que les compagnies asiatiques seront les vedettes de ces enchères car les +majors+, les grandes compagnies américaines, n'y participent pas. Elles se contenteront d'observer ces enchères" qui serviront de ballon d'essai au secteur pré-salifère, a déclaré mercredi à l'AFP, Carlos Assis, responsable du Centre d'énergie et ressources naturelles du consultant mondial Ernst&Young (EY).
Onze entreprises, dont le géant brésilien Petrobras, ont versé chacune plus de deux millions de reais (665.000 euros), pour y participer.
L'Etat brésilien devra recevoir au moins 41,6% du pétrole produit à Libra, selon l'appel d'offres de l'ANP.
De ces 11 entreprises en lice, sept figurent parmi les 11 ayant la plus grande valeur sur le marché dans le monde : China National Corporation (CNPC) (2e), Shell (3e), Ecopetrol (6e), Petrobras (7e), Total (8e), China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) (10e), Repsol/Sinopec (Sinopec – 11e), précise l'ANP.
Petrobras sera le seul opérateur
Petrobras, contrôlé par l’État, sera le seul opérateur et aura 30% de participation obligatoire dans la concession du gisement de Libra et d'une manière générale dans toutes les concessions des gisements pré-salifères, d'après la nouvelle loi de 2010.
Cette nouvelle loi à l'initiative de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva vise à destiner la manne pétrolière à l'Education et à la Santé.
L'ANP met aux enchères les 70% restants où Petrobras peut également avoir une participation si elle gagne, seule ou avec un consortium.
L'enchère sera remportée par l'entreprise ou consortium qui offre le plus de pétrole à l’État brésilien.
D'après une étude réalisée par le cabinet de consultants EY, "l'expectative des marchés est que les sociétés chinoises proposent au moins 50% du pétrole produit" au gouvernement brésilien, a précisé M.Assis à l'AFP.
Le Brésil a annoncé en 2007 avoir découvert d'immenses gisements pétroliers en eaux très profondes, enfouis sous une épaisse couche de sel (ou pré-salifères) qui occupent au total 149.000 km2.
Libra occupe une zone de 1.500 km2, en eaux très profondes, à 183 km du littoral.
"A l'exception de Shell (Angleterre-Pays-Bas) et de Total (France), les +majors+ ne participent pas en raison d'une série de facteurs de risques", a estimé M. Assis citant "le risque géologique, la difficulté d'extraction, le pourcentage de pétrole à donner à l'Etat".
"C'est principalement aussi la création d'une nouvelle compagnie d’État, la PPSA pour gérer le pré-salifère - qui a droit de véto -" qui rebute les investisseurs privés, selon lui.
Mais ces enchères pourront servir à assouplir les règles, dit-il.
"Ceux qui cherchent un retour d'argent rapide comme les compagnies américaines ne participent pas; les Asiatiques qui cherchent avant tout l'accès à des réserves" pour assurer leur sécurité énergétique participent, a-t-il expliqué.
Pour l'expert en planification énergétique de l'Université fédérale de Rio (COPPE/UFRJ), Alexandre Szklo, "Libra est un champ très prometteur et comme le risque géologique est faible, il existe une intervention plus grande de l’État ce qui est normal".
Pour lui, les enchères de Libra "serviront de ballon d'essai" pour l'avenir du pré-salifère.
Opposée à ces enchères dont elle réclame la "suspension immédiate", la Fédération unique des travailleurs du pétrole (Federacion Unica de Petroleros, FUP) a appelé jeudi les employés de Petrobras, ainsi que ceux d'autres groupes pétroliers, à une grève illimitée.
La FUP, à laquelle est affiliée la majorité des salariés de Petrobras et qui réunit 12 syndicats du secteur, entend dénoncer les "risques pour la souveraineté et les pertes que la nation brésilienne subira si des compagnies pétrolières multinationales s'approprient Libra".