L'évènement est suffisamment rarissime au Japon pour être noté: le plus gros laboratoire pharmaceutique du pays, Takeda, a décidé de nommer PDG un étranger, un Français, sur lequel il compte pour se hisser plus haut dans le palmarès mondial.
Le numéro un nippon a choisi le Français Christophe Weber, tout simplement "parce qu'il a le profil et l'expérience qui conviennent", peu importe qu'il soit étranger, a expliqué l'actuel PDG, Yasuchika Hasegawa.
"Nous avons commencé à prospecter il y a plus d'un an", a-t-il précisé samedi lors d'une conférence de presse.
"Qu'il soit étranger ou japonais, peu importe, ce n'est pas là l'important. Nous avons choisi celui qui peut transformer la société pour en faire un groupe doté d'une forte compétitivité dans l'univers mondial de la pharmacie", a ajouté M. Haszgawa, 67 ans, dont plus de dix à la tête de l'entreprise.
Le conseil d'administration de Takeda Pharmaceutical a validé la nomination de M. Weber, 47 ans, comme directeur de l'exploitation dans un premier temps, puis comme prochain PDG à partir de juin 2014, sous réserve d'approbation finale des actionnaires.
"M. Weber a une grande expérience internationale, y compris dans les pays émergents, et nous avons jugé que c'était la personne qui convenait pour faire passer Takeda à l'étape supérieure", a précisé M. Hasegawa.
"Nous avons élevé le niveau"
Et d'ajouter: "ce n'est pas que nous n'ayons personne en interne, mais nous avons élevé le niveau de sélection pour être en mesure de lutter à l'échelle planétaire".
Actuellement président de la division vaccins du groupe britannique GlaxoSmithKline (GSK), M. Weber sera ainsi le premier étranger à devenir PDG de Takeda, une entreprise vieille de 232 ans basée à Osaka.
Christophe Weber, qui a fait ses études à l'université de Lyon (centre-est de la France), a occupé diverses fonctions de direction au sein de GSK en Europe, aux Etats-Unis et dans la région Asie-Pacifique. Il a notamment été PDG de GSK France de 2003 à 2008.
Ces dernières années, Takeda a grossi en acquérant des laboratoires étrangers, dont le suisse Nycomed, mais parallèlement disait qu'il n'était pas encore prêt à cette mini-révolution: nommer patron un non-Japonais.
Depuis, le groupe pense avoir fait d'importants progrès, notamment avec l'accueil récent de plusieurs étrangers dans l'équipe de direction, débauchés de gros laboratoires internationaux.
Il est toutefois rare que des entreprises japonaises franchissent le Rubicon de leur donner la direction.
Quand certains dirigeants voient d'abord le succès de Carlos Ghosn à la tête du constructeur d'automobiles Nissan, qu'il a sorti d'affaire, d'autres vont davantage citer le cas du Britannique Michaël Woodford, renvoyé manu militari de la tête d'Olympus, numéro un des endoscopes, où il a semé la zizanie en moins d'un an: il avait découvert et surtout mis sur la place publique des arrangement comptables entre administrateurs nippons qui ont abouti à dissimuler une perte de plus d'un milliard d'euros sur 20 ans.
Un géant national encore petit à l'échelle mondiale
Si Takeda ose confier ses clefs à un nouveau venu, qui plus est un étranger, c'est que tout premier qu'il soit au Japon, ce laboratoire n'est encore que 15e mondial, une place qui ne le satisfait évidemment pas et le pousse à dépenser des fortunes dans l'espoir de gagner des places.
Pour l'exercice comptable du 1er avril 2013 au 31 mars 2014, Takeda escompte un chiffre d'affaires de 1.680 milliards de yens (12 milliards d'euros au taux de change actuel). Or il a déboursé presque autant en deux ans pour grossir, dont 9,6 milliards d'euros pour s'emparer de Nycomed, la plus grosse opération de ce type en 2011, afin d'élargir sa présence à l'international dans des pays à fort potentiel économique.
Par la suite, il a encore mis la main sur plusieurs petits laboratoires détenteurs de technologies ou brevets prometteurs, ou bien géographiquement bien implantés.
Takeda a par exemple racheté le brésilien Multilab Industria pour près de 200 millions d'euros, afin de développer ses activités sur le marché très prometteur du Brésil.
Il a aussi fait l'acquisition du laboratoire américain URL Pharma pour 800 millions de dollars (600 millions d'euros), afin d'étendre sa gamme de traitements et ses activités aux Etats-Unis, ainsi que d'Envoy Therapeutics pour 140 millions de dollars (110 millions d'euros), une société créatrice d'une technologie cruciale visant les protéines dans les cellules.