L'inflation particulièrement basse enregistrée en juillet en zone euro constitue une nouvelle déconvenue pour la Banque centrale européenne (BCE) mais sans doute pas suffisante pour la faire sortir du bois lors de sa réunion mensuelle, jeudi.
Aucun analyste ne s'attend en effet à ce que l'institution monétaire de Francfort intervienne après sa série d'annonces début juin, destinées à soutenir l'investissement et la croissance.
La hausse des prix a atteint 0,4% en juillet dans la région, soit son niveau le plus bas depuis octobre 2009 et le dixième mois consécutif sous les 1%. Un chiffre très loin de l'objectif de moyen terme de la BCE d'une inflation proche de 2%.
Petite consolation, c'est une nouvelle fois la facture énergétique qui a tiré à la baisse le niveau général des prix tandis que l'inflation sous-jacente, qui exclut les produits à prix volatils, est restée stable à 0,8%, note Howard Archer, chef économiste d'IHS pour l'Europe.
Selon lui, la menace déflationniste brandie par certains, soit une baisse générale des prix synonyme aussi d'activité économique morose, ne devrait pas se matérialiser. En revanche, un nouveau ralentissement de l'inflation n'est pas exclu, estime-t-il, à moins d'un rebond des prix de l'énergie sous l'effet des fortes tensions géopolitiques, en particulier en Ukraine.
Ces crise devraient d'ailleurs retenir l'attention de la BCE alors que les nouvelles sanctions décrétées par l'Union européenne contre la Russie dans le dossier ukrainien "commencent à affecter directement certains secteurs (encore limités) de la zone euro", souligne Marco Valli, économiste en chef de UniCredit.
Son confrère de Berenberg, Holger Schmieding, juge toutefois que les pays les plus exposés, l'Allemagne et l'Autriche notamment, devraient facilement "digérer ce coup dur", tandis les autres "semblent largement épargnés".
De petits mieux
La BCE devrait donc "attendre de voir si son paquet de juin fait effet", estime Cédric Thellier de Natixis, qui n'envisage pas de nouvelle action éventuelle avant la fin de l'année.
En particulier, elle va surveiller les retombées du programme de prêts à très long terme (TLTRO), qui doit permettre aux banques de se financer à des conditions avantageuses, souligne Clemente de Lucia de BNP Paribas. Le premier de ces prêts ne sera toutefois accordé qu'en septembre.
La BCE avait aussi annoncé une baisse de son taux directeur, porté à 0,15%, son niveau le plus bas historique, ainsi qu'une baisse de son taux de dépôt en territoire négatif, une première pour une grande banque centrale. Cette dernière mesure est aussi destinée à encourager les banques à prêter aux ménages et aux entreprises, en pénalisant celles qui stockent leurs liquidités pour 24 heures auprès de la BCE.
Déjà, ces actions ont porté quelques fruits, constate Jennifer McKeown, de Capital Economics. "L'euro a atteint son niveau le plus bas depuis huit mois avec 1,34 dollars. Les taux d'intérêt interbancaires au jour le jour ont baissé (...). Le taux d'emprunt allemand à dix ans est tombé à des niveaux bas record, et plus important, les taux d'emprunt des pays périphériques ont aussi reculé", énumère-t-elle.
Autre point positif, les banques ont indiqué avoir relâché leurs critères d'octroi de crédits aux ménages et aux entreprises au cours du deuxième trimestre, pour la première fois depuis 2007, même si ces conditions restent encore sévères.
Pour autant, Jennifer McKeown estime que le risque déflationniste reste important et que la BCE n'aura pas d'autre choix que d'annoncer un rachat massif d'actifs (quantitative easing) pour le contrer. Surtout au vu de certains indicateurs, comme la confiance des entrepreneurs allemands mesurée par l'indice Ifo, qui montrent que la reprise déjà fragile de la zone euro pourrait avoir ralenti.
Mario Draghi, le président de la BCE, s'est dit prêt à y recourir si nécessaire, tout en prenant garde de répéter que son institution ne voyait pas poindre de menace déflationniste pour le moment.