par Sophie Louet
PARIS (Reuters) - Alain Juppé pose les termes d'un duel exclusif à droite avec Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2017, avant même l'entrée en lice de l'ancien président, opposant aux Cassandre "sarkozystes" sa détermination à aller "jusqu'au bout".
L'ancien Premier ministre, qui a pris de vitesse Nicolas Sarkozy en annonçant le 20 août sa candidature à la primaire de 2016, engage à pas comptés la confrontation, convaincu que son heure est venue après le temps des avanies judiciaires et politiques. "Chiche!", a-t-il lancé le 3 septembre sur RTL.
"Je pense que mon tempérament correspond aujourd'hui à une attente, comme en témoignent les sondages d'opinion", explique-t-il dans un entretien à paraître jeudi dans Valeurs actuelles, tribune prisée de l'ancien président et de la "droite décomplexée".
Le baromètre Ifop-Paris Match de septembre classe Alain Juppé en tête des personnalités préférées des Français, qui sont 59% à le plébisciter contre Nicolas Sarkozy (34%). Le rapport s'inverse toutefois auprès des sympathisants de l'UMP.
Alain Juppé, qui connaît bien Nicolas Sarkozy - les deux hommes se respectent et s'apprécient, ils se sont vus la semaine dernière -, a intégré la nécessité d'instaurer un rapport de forces, relevait le politologue Thomas Guénolé avant "l'offensive Juppé".
"La loyauté, l'allégeance, ne sont pas payées de retour avec Sarkozy, c'est une constante. Ceux qui sont ceux le mieux payés de retour sont ceux qui ont créé le plus longtemps et le plus durablement un rapport de forces", estimait-il.
On prête à Nicolas Sarkozy cette affirmation prémonitoire au maire de Bordeaux : "Il n'y en a que deux : toi et moi".
"Les deux hommes se respectent et se ménagent car l'un pourrait avoir besoin de l'autre, et vice versa, en fonction de l'issue de la primaire", note un élu UMP.
François Fillon marginalisé par ce duel naissant et sa rupture radicale avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ne veut pas être en reste dans cette compétition cordiale qui risque de l'être de moins en moins.
"LA HAINE EN MOINS"
La garde rapprochée de l'ancien président, dont l'entrée en course pour la présidence de l'UMP, et donc 2017, semble imminente () se charge des tirs de semonce à l'adresse du "meilleur d'entre nous".
Frank Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, a dénoncé à mots couverts la stratégie d'Alain Juppé, samedi dernier dans une interview à Presse Océan : "Il y a des priorités qui échappent à certains. Comment croire qu'il y aurait une élection 'noble', la primaire, et une élection subalterne, l'élection à la présidence de l'UMP?"
D'autres avancent l'argument de l'âge. Alain Juppé aura 72 ans le 15 août 2017. "Je ne suis demandeur de rien. J'ai 69 ans, ma carrière est derrière moi", a ainsi lâché le week-end dernier Claude Guéant, dans une confidence assassine. Des soutiens de Nicolas Sarkozy évoquent également une pusillanimité supposée.
"Ceux qui susurrent que je ne sais pas me battre ne m'ont sans doute pas vu à l'oeuvre en campagne", répond Alain Juppé dans Valeurs actuelles. "Pourquoi me serais-je lancé si je n'avais pas la détermination d'aller jusqu'au bout?".
Rompu à l'adversité, le maire de Bordeaux affiche une sérénité à toute épreuve. Nicolas Sarkozy n'est pas un "adversaire" mais un "compétiteur", souligne-t-il.
"Je souhaite mener un combat, le mot n'est pas guerrier, disons une compétition, sur des questions de fond, sans animosité contre quiconque".
"Je n'ai jamais attaqué Nicolas Sarkozy, je défends son bilan, j'ai une longue histoire avec lui, j'ai beaucoup d'estime pour lui, je crois qu'il en a aussi pour moi", dit-il dans l'hebdomadaire.
Sarkozy et moi, avait-il coutume de dire, "c'est un peu Giscard-Chirac, la haine en moins".
Alain Juppé, au confluent de la droite libérale et de la droite sociale, avocat d'une alliance avec le centre et contempteur du Front national, esquisse donc le débat : "Je crois moins aux ruptures brutales, et d'avantage à l'esprit de rassemblement et d'apaisement".
Au-delà de la différence de tempérament, c'est l'"ADN" idéologique de l'UMP qui sera au coeur de leur confrontation, avec le souvenir pesant de la campagne présidentielle de 2012, marquée par l'échec de la "droitisation" du parti.
(Edité par Yves Clarisse)