Si la Lorraine a tourné la page des hauts-fourneaux et mise dorénavant sur l'acier high-tech et la métallurgie de pointe, les innovations développées localement ne se répercutent pas toujours sur les emplois industriels et les marchés restent frileux.
Au premier trimestre 2014, la métallurgie lorraine représentait encore un cinquième des emplois industriels de la région, soit 21.630 personnes, selon des données Urssaf. Mais c'est un repli de 4,4% sur un an et de 27% par rapport à début 2007, avant la crise économique mondiale qui a foudroyé l'automobile, l'un des principaux débouchés de l'acier lorrain.
Comment enrayer ce déclin? C'est le défi que se lance "Métafensch", une future plateforme publique de recherche dans la métallurgie annoncée par François Hollande il y a un an lors de sa visite à Florange (Moselle), en compensation à la fermeture douloureuse des hauts-fourneaux d'ArcelorMittal.
En jouant sur la propriété intellectuelle, l'Etat voudrait inciter les futures entreprises partenaires du centre de recherche -qui doit ouvrir fin 2015 dans la commune voisine d'Uckange- à exploiter dans la région ou en France les brevets développés sur place, plutôt que de produire à l'étranger.
Il y a cependant un conflit potentiel avec "les règles européennes exigeant un traitement égal pour tous les industriels européens", relève François Mudry, le président du comité de préfiguration de Métafensch. "Il y a moyen de jongler, mais c'est délicat", estime-t-il.
A quelques kilomètres de la future plateforme publique s'étend le plus grand centre mondial de recherche d'ArcelorMittal, le campus de Maizières-lès-Metz, où quelque 530 chercheurs travaillent sur les aciers de demain, toujours plus résistants.
Une soixantaine de nouveaux produits y sont simultanément en cours de développement, dont une dizaine pour le marché automobile.
Usibor, un acier de troisième génération pour l'automobile conçu à Maizières-lès-Metz, est devenu l'un des produits phare du site d'ArcelorMittal Florange, où travaillent 2.200 salariés, dont 362 reclassés après la fermeture des hauts-fourneaux.
L'objectif de doubler en trois ans la production d'Usibor à près de 600.000 tonnes sera atteint dès cette année avec un an d'avance, se félicite le groupe.
Une nouvelle gamme complémentaire, Fortiform, sera en revanche produite dans des usines du groupe à Liège et à Gand, en Belgique.
"La ligne de Florange n'est pas adaptée à ce type de produit" nécessitant un "recuit à refroidissement rapide", justifie Jean-Luc Thirion, directeur de la recherche-développement pour l'automobile chez ArcelorMittal.
Par conséquent sur les 700 recrutements en CDI annoncés par ArcelorMittal pour cette année en France, moins d'une centaine sont en Lorraine, et l'immense majorité concerne la recherche-développement.
- 'Chaînon manquant' -
Le géant de l'acier a par ailleurs estimé début septembre qu'il était toujours en surcapacité en Europe, malgré ses restructurations ces dernières années.
La demande d'acier en Europe est aujourd'hui de 29% inférieure à celle du pic atteint juste avant la crise de 2008, selon le groupe.
"Les chiffres du marché de l'acier sont en dessous des prévisions du début de l'année, dans tous les secteurs", confirme Frank Supplisson, le repreneur d'Ascométal, groupe d'aciers spéciaux qui a son siège à Hagondange (Moselle).
Mais cette morosité du marché conforte aussi Ascométal, qui sort d'un redressement judiciaire, dans sa stratégie de relancer l'innovation pour se démarquer.
La plateforme publique de recherche Métafensch sera un moyen complémentaire pour y parvenir, en tant que "chaînon manquant entre la recherche en laboratoire et le développement industriel", estime Gilles Auclaire, directeur du centre de recherche-développement d'Ascométal à Hagondange (Moselle), qui emploie près d'une quarantaine d'ingénieurs.
A Hayange, Tata Steel a déjà innové depuis 2011 en se lançant dans la production de rails pour chemin de fer de très grande longueur, jusqu'à 108 mètres, et en se dotant il y a près d'un an d'une nouvelle ligne de traitement thermique pour les rendre plus résistants. L'entreprise a aussi recruté 50 salariés pour porter ses effectifs à 450 personnes.
Pour l'instant, la nouvelle ligne thermique ne fonctionne qu'à 50% de ses capacités. "Le rythme des commandes est inférieur à ce que l'on avait planifié, mais les opportunités sont là", assure David Petitjean, le directeur du site.