L'Europe, prompte à se poser en exemple dans le monde pour la régulation financière, voit l'un de ses projets phare visant à renforcer la supervision du secteur menacé d'enlisement, devant la difficulté des Etats et du Parlement européen à se mettre d'accord.
Les eurodéputés ont décidé mardi de repousser un vote sur ce texte après l'échec dans la nuit de négociations avec les Etats européens.
Le vote en première lecture sur ce texte prévoyant notamment la mise en place de trois nouvelles autorités chargées de surveiller les banques, les assureurs et les marchés n'aura pas lieu avant septembre, a expliqué l'eurodéputé social-démocrate allemand Udo Bullmann.
Le Parlement va seulement voter mercredi des amendements détaillant sa position, ainsi qu'une "déclaration politique" afin d'expliquer "que la balle est dans le camp des Etats", et les encourager à faire de nouveaux compromis, a-t-il ajouté.
Plusieurs heures de négociation à Strasbourg dans la nuit de lundi à mardi entre représentants du Parlement européen, des 27 et de la Commission se sont soldées par un échec.
"Aucun accord n'est possible avec les 27 si nous ne pouvons pas établir d'autorités européennes de supervision", a prévenu le chef du groupe libéral, le Belge Guy Verhofstadt.
Le problème est que les Etats souhaitent donner trop de pouvoir aux autorités nationales de supervision bancaire, au détriment des nouveaux organismes paneuropéens, a-t-il souligné.
Le Parlement et les 27 ne sont pas d'accord non plus sur les pouvoirs qui pourraient être accordés aux autorités européennes pour trancher en dernier ressort d'éventuels conflits avec les autorités nationales.
La Grande-Bretagne en particulier refuse de se faire dicter la conduite à adopter par une autorité supranationale, par exemple se voir imposer d'aider un établissement battant de l'aile. Londres y voit une intrusion dans sa souveraineté budgétaire.
Le compromis conclu fin 2009 par les gouvernements européens tenait compte des réserves britanniques. Il est jugé trop peu ambitieux par les eurodéputés.
Le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, a cherché à mettre la pression sur les Etats.
"La balle est dans leur camp" pour "aboutir à un accord intelligent et crédible", a-t-il prévenu.
Des avancées pourraient avoir lieu lors d'une réunion des ministres des Finances de l'UE mardi prochain à Bruxelles. Ce "sera une étape clé", a souligné la porte-parole de M. Barnier.
"Il est important de garder les Britanniques à bord" pour donner un maximum de crédibilité au texte, a estimé mardi une source proche des négociations.
Mais la décision de créer ces agences de supervision paneuropéennes ne nécessite pas l'unanimité des 27, relève cette source. Et au cas où les réticences du gouvernement libéral-conservateur de David Cameron s'avèreraient insurmontables, la décision pourrait, "devant l'urgence d'agir", leur être imposée à la majorité qualifiée.
La réforme vise à mettre fin à l'émiettement national de la supervision des banques et compagnies d'assurance en Europe, qui s'est avéré préjudiciable lors de la crise financière de 2008 et 2009 pour les groupes multinationaux notamment.
Les difficultés des Européens à mettre en place cette réforme font mauvais effet au moment où les Etats-Unis viennent eux d'avancer sur la régulation financière avec le vote mercredi dernier d'une vaste réforme par la Chambre des représentants.