par Caroline Pailliez
NANTERRE, Hauts-de-Seine (Reuters) - Agée de 59 ans et souffrant d'un asthme sévère, Brigitte Becker avait hâte de se faire vacciner contre le COVID-19 pour éviter de tomber malade ou de mettre son mari, diabétique, à risque.
Mais lorsque le vaccin du laboratoire AstraZeneca (LON:AZN), le seul disponible pour elle, lui a été proposé, elle a refusé.
"Ils nous disent que ça fait des thromboses, que c’est rare, mais ça peut arriver", a dit à Reuters l'assistante maternelle. "Je préfère attendre."
La campagne de vaccination avec AstraZeneca a subi dans les dernières semaines une série de revers qui a mis à l'épreuve la confiance des Européens dans le sérum, malgré les diverses études scientifiques confirmant son innocuité.
Plusieurs pays, dont la France, l'Allemagne ou encore l'Espagne ont interrompu la semaine dernière pendant plusieurs jours leur campagne de vaccination avec ce produit, inquiets d'un lien éventuel entre des cas de formation de caillots sanguins pouvant mener à des décès et l'administration du vaccin.
Après enquête, l'agence européenne du médicament (EMA) a confirmé jeudi dernier que le vaccin était "sûr et efficace" et que les bénéfices de cette vaccination étaient supérieurs aux risques. La France a donc annoncé qu'elle reprenait les vaccinations dans la foulée, mais pour les plus de 55 ans uniquement. [nL8N2LG66K]
Malgré la reprise, encore plus de la moitié (56%) des Français ne souhaitaient pas se faire vacciner avec le produit du laboratoire anglo-suédois, selon un sondage Odoxa Backbone Consulting pour France info, réalisé les 18 et 19 mars derniers.
Lundi, AstraZeneca a indiqué que son vaccin était efficace à 79% dans la prévention des symptômes du COVID-19, un résultat meilleur que prévu.
Il a ajouté qu'un comité de sécurité indépendant, le DSMB, s'était penché spécifiquement sur les caillots sanguins et la thrombose veineuse cérébrale (TVC) dans l'ensemble des données de l'essai américain et n'avait trouvé aucun risque accru.
PEU D'ANNULATIONS CHEZ LES GENERALISTES
Pour Brigitte Becker, cette garantie n'est pas suffisante. "On aura beau me dire qu’on ne risque rien, il y a quand même cette peur au fond de moi", dit celle qui a perdu confiance dans le gouvernement pendant la crise. "Il y a eu trop de choses de dites. On ne sait plus qui croire, ou qui ne pas croire."
Anne Pailliez, médecin généraliste à Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine, trouve pour le moment sans difficultés des volontaires, les doses d'AstraZeneca étant encore distribuées au compte-gouttes. Seuls 30.000 médecins ont pu commander un flacon chacun dans les dix derniers jours, selon la Direction générale de la Santé.
La généraliste anticipe néanmoins les difficultés à venir lorsque la campagne montera en puissance. "Je vois certains patients, quand même, qui grimacent quand on leur annonce qu’il faudra se faire vacciner avec AstraZeneca", dit-elle. "Pour les convaincre, ça risque d’être un peu difficile."
Au ministère de la Santé, on explique qu'il est encore trop tôt pour savoir si la suspension des vaccinations a eu un impact sur la confiance des Français.
Pour certaines personnes, hésitantes, les derniers évènements concernant AstraZeneca ne rassurent pas.
"Ça me conforte dans l’idée que je ne voulais pas le faire et que je ne le ferai sûrement pas. Trop de questions se posent au sujet de ce vaccin-là", a dit à Reuters Virginie Karbownik, 37 ans, qui travaille dans une administration publique.
(Edité par Jean-Michel Bélot)