Onze pays des deux rives du Pacifique ont ressuscité jeudi au Chili l'accord de libre-échange transpacifique (TPP), donné pour mort il y a un an après le retrait des Etats-Unis, un signal fort face aux tentations protectionnistes.
Les chefs de la diplomatie ou les ministres du commerce de l'Australie, de Brunei, du Canada, du Chili, du Japon, de la Malaisie, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande, du Pérou, de Singapour et du Vietnam ont paraphé le texte désormais appelé Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP pour son sigle anglais).
La signature de cet accord est "un message politique fort de la région Asie-Pacifique au reste du monde", a déclaré l'hôte de la cérémonie, le ministre chilien des Affaires étrangères Heraldo Muñoz, au côté de la présidente Michelle Bachelet, qui doit passer le pouvoir dimanche au conservateur Sebastian Piñera.
Le traité avait été promu par Washington, sous la présidence de Barack Obama, et signé en février 2016 après des années de négociations entre 12 pays ayant un accès sur le Pacifique.
Mais avant son entrée en vigueur, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait de son pays, mettant en péril l'ambitieux accord censé englober 40% du PIB mondial et presque 25% du commerce international.
"Le commerce international est bel est bien vivant, contrairement à ce que certains pensent", avait déclaré peu avant M. Muñoz, en référence aux annonces de Donald Trump sur les droits de douane visant l'acier et l'aluminium, qui risquent de déclencher une guerre commerciale.
Son homologue canadien François-Philippe Champagne s'est dit "très fier (...) de montrer au monde que le commerce progressiste est le chemin à suivre".
- 'Suicide' des Etats-Unis -
Le nouvel accord signé à Santiago du Chili contient la quasi-totalité des dispositions du texte original, sauf celles portant sur la propriété intellectuelle imposées par Washington.
Cette signature va avoir "d'importantes conséquences pour les Etats-Unis. C'est une sorte de suicide pour ce pays", a fait valoir à l'AFP Fernando Estenssoro, de l'université de Santiago du Chili.
L'absence des Etats-Unis a laissé la voie libre à la Chine, l'autre géant du commerce mondial absent du CPTPP et qui négocie son propre accord commercial avec nombre de pays asiatiques en plus de la Nouvelle-Zélande.
"Onze pays, unis et travaillant de concert, négocient bien mieux avec la Chine qu'un seul pays", juge M. Estenssoro.
Difficile toutefois de négliger le coup dur qu'a représenté le départ des Etats-Unis: le nouveau texte ne porte plus que sur 15 à 18% du PIB mondial. Mais "ce n'est pas non plus n'importe quel accord. C'est l'accord le plus moderne jamais signé au niveau mondial", affirme Ignacio Bartesaghi, professeur de la faculté de sciences de l'entreprise de l'Université catholique d'Uruguay.
"Il n'y a aucun accord commercial impliquant une telle quantité de pays et parvenant à avoir 30 chapitres qui traitent des questions les plus modernes du commerce international", ajoute-t-il.
Conçu à l'origine par Washington comme un moyen de freiner l'influence croissante de la Chine dans le commerce mondial, le TPP était ensuite devenu la bête noire de Trump, qui s'était inquiété du danger pour "les travailleurs américains".
- 500 millions de personnes -
L'accord prévoit une levée des barrières douanières et des barrières non-tarifaires, comme la mise en place de normes communes dans plusieurs secteurs d'activités, entre ces 11 pays rassemblant près de 500 millions de personnes.
Une fois signé, l'accord entrera en vigueur 60 jours après sa ratification par au moins six des 11 pays.
Pour le Chili, "cela signifie une augmentation de notre marché potentiel et la possibilité, pour notre population, d'accéder à un plus grand nombre de produits", souligne Mario Mongilardi, président de la Chambre de commerce de Lima.
Le pays sud-américain destine 17% de ses exportations à des économies du CPTPP. Même s'il a déjà des accords de libre-échange avec certains des 11 pays, ce nouvel accord améliorera ses conditions d'accès à ces marchés, avec par exemple un millier de produits exclus de son alliance avec Japon désormais moins taxés.