La BCE a ménagé la chèvre et le chou jeudi en réduisant son programme de rachats de dette après l'éloignement du danger de déflation, tout en prolongeant sa durée plus que prévu pour faire face à d'éventuels risques politiques.
"La banque centrale a été apparemment encouragée par des signaux de bonne performance de l'économie malgré les incertitudes politiques en Europe et à l'extérieur. Mais elle est manifestement restée en mode prudence", a constaté dans une note l'institut Capital Economics, après la décision de la BCE.
Le conseil des gouverneurs de l'institution de Francfort a décidé de poursuivre ses vastes rachats de dettes publiques et privées, actuellement fixés à 80 milliards d'euros par mois, comme prévu jusqu'à fin en mars 2017, puis de les prolonger à un rythme moins soutenu de 60 milliards d'euros par mois jusque fin décembre 2017.
Cette diminution du montant pourrait laisser penser que la BCE s'est engagée dans la voix de la réduction progressive de son soutien à l'économie, baptisée "tapering" en anglais. Mais le chef de l’institution Mario Draghi a clairement dit qu'il n'en était pas question, pour le moment.
Il a insisté sur le fait que la BCE ne s'est pas engagée sur la voie d'une politique économique plus restrictive.
Car M. Draghi va devoir accompagner quelques signes jugés encourageants pour l'économie européenne (frémissement de croissance et des prévisions d'inflation), contre les vents contraires, notamment les incertitudes politiques.
- Nouvelle phase -
"Le risque de déflation (qui était encore d'actualité début 2016) a largement disparu mais l'incertitude domine partout", a expliqué M. Draghi, qui a multiplié ces dernières années les injections massives d'argent dans l'économie pour stimuler la croissance et relancer la croissance en Europe.
Pour l'année prochaine, la BCE a d'ailleurs relevé légèrement ses prévisions de croissance à 1,7%, contre 1,6% auparavant, et pour l'inflation à 1,3%, contre 1,2% jusqu'à présent.
"Les conditions économiques dans la zone euro semblent s'améliorer", a commenté le porte-parole du FMI Gerry Rice, après la décision de la BCE. Des mesures qui, à ses yeux, "l'aideront à atteindre son objectifs de stabilisation des prix et pour maintenir le soutien de la demande".
Pour Olivier Garnier, chef économiste groupe à la Société Générale (PA:SOGN), "la BCE est ainsi entrée aujourd'hui dans une nouvelle phase où elle intervient moins par les quantités et où elle pilote les conditions financières en fonction des développements économiques et sur les marchés des taux", a-t-il expliqué à l'AFP.
En d'autres termes, elle "maintient toutes les options sur la table", comme le souligne Holger Schmieding, de Berenberg, signalant qu'elle pourrait relever ses rachats à nouveau à 80 milliards "si les prévisions de croissance et d'inflation deviennent moins favorables ou s'il se produit des turbulences financières".
"M. Draghi se donne de la flexibilité pour faire plus si la situation économique le justifiait ou en cas de tensions sur les taux d'intérêts", a souligné M. Garnier.
Car les risques politiques n'ont pas disparu pour autant, comme l'a reconnu M. Draghi lors de la conférence de presse. Après le Brexit, la victoire de Donald Trump et le non italien lors du référendum de dimanche, l'année 2017 arrive avec plusieurs échéances électorales cruciales en Europe, notamment en France et en Allemagne.
Sans compter les risques extérieurs, notamment si le président élu américain met en pratique ses promesses protectionnistes contre les importations chinoises, des mesures qui pourraient engendrer des représailles de la part de Pékin et déclencher une guerre commerciale.