par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Le choix de Manuel Valls, annoncé mercredi, de voter Emmanuel Macron à l'élection présidentielle entérine au Parti socialiste le divorce entre deux gauches irréconciliables, possible prélude à une scission du parti fondé en 1971.
La tentative de "mise à mort" anticipée dimanche par le candidat issu de la primaire organisée par le PS, Benoît Hamon, est donc advenue, signant en quelque sorte la fin de la séquence ouverte le 1er décembre par le renoncement de François Hollande à briguer un deuxième mandat au nom du "rassemblement".
Prenant acte de ce "grand coup de plus" porté à la démocratie, Benoît Hamon a dénoncé un "jeu morbide" et, dans un nouvel appel quasi désespéré, invité le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, qui le précède désormais dans les sondages, à se rallier à sa candidature, jugeant sa position "centrale".
"Je fais cette adresse forte et fraternelle pour que nous ne laissions pas les forces de destruction, les forces de l'argent présider aux destinées de notre pays", a-t-il lancé lors d'une brève déclaration à son siège de campagne, à Paris.
Le communiste Pierre Laurent a proposé pour sa part une rencontre entre Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et lui-même pour "créer les conditions de la victoire" autour d'un projet profondément ancré à gauche, d'une campagne et d'une candidature commune", écrit-il dans un communiqué.
En campagne à Douai (Nord), Benoît Hamon a accepté cette invitation à former "un contrat de gouvernement, un contrat de législature" sur des "bases claires".
Mais Jean-Luc Mélenchon a rejeté l'appel de Benoît Hamon.
"Je ne vais pas (...) m'engager dans je ne sais quel improbable arrangement qu'on me suggère de faire", a-t-il dit lors d'un meeting au Havre (Seine-Maritime). "Je ne négocierai rien, avec personne, à aucun moment à cette étape."
Aux côtés de Benoît Hamon, la maire de Lille, Martine Aubry, a dit n'être ni "surprise" ni "triste" face au rapprochement Valls-Macron.
"Quand les valeurs et les idées passent au second plan, quand les intérêts personnels et l'envie du pouvoir pour le pouvoir sont en premier lieu, eh bien on se ressemble et on s'assemble", a déclaré aux journalistes l'ex-Première secrétaire du PS qui avait rallié François Hollande après sa défaite à la primaire du PS en 2011.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a refusé devant la presse d'"ajouter de la division à la division" au sein d'un PS où il milite "depuis 46 ans".
"MINABLE"
La décision de Manuel Valls a outré certains partisans de Benoît Hamon, qui ont crié au déshonneur, tandis que le camp de l'ancien Premier ministre invoquait l'impérieuse nécessité de lutter contre l'extrême droite.
"Face au danger que représente le Front national, on ne peut pas hésiter", a fait valoir Manuel Valls sur BFM TV et RMC.
"Ce n'est pas un ralliement c'est le choix de la raison", a ajouté celui que beaucoup soupçonnent de lancer, par ce geste, la bataille pour la direction du Parti socialiste, qui devrait faire l'objet d'un congrès avant la fin de l'année.
Le sénateur socialiste Alain Richard a d'ailleurs jugé la situation clarifiée : "La ligne politique du PS sera soit celle de Manuel Valls soit celle de Benoît Hamon", a-t-il dit.
Pour ses partisans comme Harold Hauzy, responsable de sa communication à Matignon, Manuel Valls a fait le choix de la "dignité", sans "chichis". "@EmmanuelMacron face au risque de l'extrême droite: dignité, clarté, responsabilité, valeurs #pasdechichis", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Dans le camp Hamon, les avis sont amers, à l'image du tweet de l'ancien ministre Arnaud Montebourg qualifiant Manuel Valls d'"homme sans honneur". "Minable", a renchéri la députée Karine Berger.
Anticipant ces critiques, Manuel Valls a estimé n'avoir aucune leçon à recevoir de "ceux qui n'ont respecté aucune règle pendant cinq ans". "Mais c'est vrai le Parti socialiste ne sera plus comme il a été jusqu'à maintenant après cette élection", a-t-il reconnu.
Dans ce climat extrêmement tendu à 25 jours du premier tour, le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a tenté un appel au calme qui a peu de chances d'être entendu.
Dans une lettre aux militants, il demande de se méfier des sondages "qui ont déjà démontré qu'ils pouvaient être démentis par la réalité" et rappelle que "ceux qui ont rejoint En Marche ! ne sont plus au Parti socialiste".
(Avec Marine Pennetier, Gérard Bon, John Irish et Jean-Baptiste Vey)