Manuel Valls a arraché mardi soir à sa majorité l'adoption du plan de 50 milliards d'euros d'économies, s'évitant une crise avec Bruxelles, mais 41 députés PS se sont abstenus, ce qui laisse prévoir de futurs débats difficiles.
La presse reconnaît mercredi dans son ensemble que le Premier ministre a franchi de justesse une première étapelors de la présentation de son plan.
L'Assemblée nationale a adopté par 265 voix pour, 232 contre et 67 abstentions, le programme de stabilité budgétaire, qui prévoit 50 milliards d'euros d'économies durant la période 2014-2017.
"C'est un acte fondateur pour la suite du quinquennat", s'est félicité le Premier ministre. "C'était important qu'il y ait un vote qui montre que la majorité, au-delà des débats, approuve ce projet".
Cependant Manuel Valls a subi la plus forte dissidence au groupe PS depuis deux ans: en sus du vote contre des trois chevènementistes qui en font partie, 41 socialistes se sont abstenus, soit trente de plus que lors du vote de confiance du 8 avril. "Il y a une fissure dans la majorité", a constaté le chef de fil de l'UMP Christian Jacob.
"Trop d'abstentions mais clairement une majorité de gauche", a relativisé le patron du groupe PS Bruno Le Roux.
A gauche, M. Valls n'a pas pu compter non plus sur le soutien des écologistes, dont douze des 17 députés ont voté contre, ni du Front de gauche, tous deux opposés à la réduction des dépenses publiques prévue par le plan.
Il a revanche bénéficié de "l'abstention d'encouragement" de 17 des 27 députés UDI, 3 autres votant même pour. La quasi totalité de l'UMP a voté en revanche contre (sauf un, Frédéric Lefebvre), son président Jean-François Copé ayant jugé que Manuel Valls avait fait "le pire des choix, le rationnement sans réformes".
Confronté à une fronde inédite d'une partie de la majorité, le Premier ministre avait annoncé lundi plusieurs mesures d'assouplissement du plan de rigueur décidé par le gouvernement, qui concernent les petites retraites (inférieures à 1.200 euros), la revalorisation du RSA et les fonctionnaires les moins bien rémunérés.
Dans son discours en séance mardi, il a dramatisé l'enjeu du scrutin en faisant "un moment de vérité" qui "conditionne à la fois la légitimité du gouvernement, sa capacité à gouverner, et, surtout, la crédibilité de la France".
Le "programme de stabilité" détaille les principaux points de la politique économique du pays d'ici 2017, soumis par la France à la Commission européenne.
A savoir la mise en œuvre du "pacte de responsabilité et de solidarité" (40 milliards d'euros d'allégements sociaux et fiscaux pour les entreprises, 5 milliards pour les ménages) assortie d'économies sans précédent, d'un total de 50 milliards, pour réduire le déficit public à 3% du PIB en 2015 (contre 4,3% en 2013), comme promis aux Européens.
- Un vote qui va laisser des traces -
"J'assume!" a martelé Manuel Valls à l'égard de la gauche de sa majorité en vantant un plan "calibré" et "juste" qui n'est "en rien de l'austérité"
Mais davantage que M. Valls, la contestation visait François Hollande, qui avait annoncé ces économies dès janvier, et son virage vers les entreprises sur lequel le président joue la suite de son quinquennat, plombé par l'absence de résultats sur la croissance et l'emploi.
Traumatisés par la déroute des municipales, nombre de députés étaient inquiets de l'impact d'une réduction des dépenses publiques sur la reprise économique et hostiles au gel des prestations sociales jusqu'en octobre 2015 et à celui du point d'indice des fonctionnaires jusqu'en 2017.
Selon un député, les annonces lundi de M. Valls ont permis de "ramener 30 députés", notamment des "quadras" du cœur de la majorité. Mais elles n'ont pas suffi pour faire rentrer dans le rang ceux qui voulaient réduire le volume d'économies à 35 milliards, proches de Martine Aubry ou membres de l'aile gauche du PS notamment.
"C'est une expression politique mature, mûrie, par un groupe qui est blessé par le choc politique des municipales et par le sentiment qu'il a que les deux premières années n'ont pas tenu leurs promesses", a déclaré l'un d'eux Christian Paul à l'issue du vote.
"On n'est pas condamnés au bras de fer" et "je pense que Manuel Valls est tout à fait capable de trouver un mode de dialogue avec un Parlement vivant", a-t-il ajouté alors que de nouveaux votes budgétaires s'annoncent dès juin pour mettre en oeuvre pratiquement le plan.
"Le texte a été voté par une majorité de gauche qui n'a pas eu besoin de l'appoint de la droite et des centristes et qui ne peut que se renforcer dans les votes postérieurs", a réagi l'entourage de François Hollande.
Une vision positive nullement partagée par le président du groupe PS, Bruno Le Roux, qui a laissé planer la menace d'un divorce avec ceux coupables de défections à répétition. "Quand on n'arrive plus à vivre ensemble, on en tire généralement des conclusions", avait-il averti avant le vote.