La marque roumaine Dacia a le vent en poupe en Europe où elle a imposé le modèle du "low cost", mais elle est aussi devenue une arme de conquête pour sa maison mère Renault (PA:RENA) dans les pays émergents.
Beaucoup l'ignorent mais la citadine Sandero de Dacia est la voiture la plus vendue auprès des particuliers en Europe, devant les Polo et Golf de Volkswagen (DE:VOWG_p).
C'est peu médiatisé car les statistiques d'immatriculations prennent aussi en compte les ventes aux entreprises qui représentent la moitié du marché.
De la même façon, le Duster de Dacia, est le 4x4 de loisir ou SUV le plus diffusé auprès du grand public devant le Tiguan de Volkswagen.
De janvier à août, avec 370.000 voitures immatriculées, les livraisons de la marque à bas coût ont progressé de 17% dans l'Union européenne, trois fois plus vite que la moyenne, pour une part de marché de 3,4%, contre moins de 1% en 2005.
Un résultat remarquable pour un concept auquel personne ne croyait il y a 20 ans: la voiture non statutaire, concentrée sur l'essentiel, à des prix démarrant nettement sous la barre des 10.000 euros.
"Le phénomène d'achat malin s'étend dans la société", des gens "renoncent au toujours plus", cherchent à "ne pas surconsommer, ne pas surpayer", assure à l'AFP Sylvain Coursimault, directeur du marketing produit pour la gamme Global Access de Renault.
"En 15 ans, le véhicule moyen a pris 15 cm, 160 kg, 25 chevaux et 8.000 euros", explique-t-il en soulignant que, pour sa part, "Dacia a inventé et a su garder un positionnement à contre-courant".
Sa chance est de pouvoir exploiter ce créneau sans vraie concurrence, les autres constructeurs n'ayant pas suivi le mouvement. "C'est la seule marque à bas coûts disponible en Europe", constate auprès de l'AFP Felipe Munoz, analyste automobile chez Jato Dynamics.
Selon lui, Dacia réalise 80% de ses ventes auprès des particuliers, le canal considéré comme le plus lucratif car offrant le moins de rabais, et c'est un record en Europe. Comme les tarifs affichés sont déjà les plus bas du marché, le constructeur réussit à imposer ses prix sans grande possibilité de négociation.
- Petits prix, grosses marges -
Pour Renault, Dacia signifie "des ventes en croissance avec des marges très élevées", estime Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile. Selon lui, "la clé du succès, c'est le prix", car c'est le critère numéro un des acheteurs, avant même la fiabilité et le design.
Avec des véhicules réduits aux équipements essentiels et des technologies moins récentes mais déjà éprouvées sur des modèles Renault, "Dacia a réussi à sécuriser ses clients. L'expérience a été bonne, ils sont devenus fidèles", poursuit cet expert.
Au moment du rachat par Renault fin 1999, l'idée du PDG de l'époque, Louis Schweitzer était de construire une automobile à 5.000 euros pour conquérir les pays émergents en rendant la voiture individuelle accessible aux nouvelles classes moyennes des pays émergents.
Pari réussi au-delà des espérances. Il y a 20 ans, Renault réalisait à peine plus de 10% de ses ventes hors d'Europe. En 2018, c'est près de la moitié.
L'expertise de Dacia, qui conçoit entièrement des modèles de la gamme pour le groupe Renault, en est un pilier, avec 3.000 personnes employées dans la recherche et développement en Roumanie et des usines dans des pays à bas coûts salariaux comme le Maroc, la Russie ou le Brésil.
Fort de l'expérience Dacia, Renault s'est même lancé dans "l'ultra low cost" en Inde, avec la petite citadine Kwid, vendue depuis 2015 à partir de 3.500 euros.
La gamme dite "Global Access" représentera 1,5 millions de voitures vendues en 2018 (sur plus de 4 millions au total pour le groupe Renault) et vise 2 millions d'unités en 2020.
C'est "un vrai succès dans les pays émergents comme en Europe. Les volumes de la Kwid ont explosé en Inde, il sont en train d'exploser au Brésil", constate Gaëtan Toulemonde, analyste automobile pour la Deutsche Bank (DE:DBKGn).
C'est aussi l'avis de Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research (CAR), basé en Allemagne. Mais il estime que le constructeur français doit "désormais mieux consolider la marque Renault" dont il juge la rentabilité insuffisante alors que la montée en gamme pour se distinguer de Dacia reste difficile.