Arnaud Montebourg a déclaré la guerre au patron de Titan qui a raillé les ouvriers de Goodyear d'Amiens, usine que le groupe américain envisageait de reprendre, le ministre dénonçant des propos "extrémistes" et promettant un zèle douanier sur les pneus importés par Titan.
"Vos propos aussi extrémistes qu'insultants témoignent d'une ignorance parfaite qu'est notre pays, la France", écrit le ministre français du Redressement productif, dans un courrier virulent rendu public mercredi soir, en réponse à une lettre rendue publique mardi dans laquelle Maurice M. Taylor critiquait violemment ces ouvriers et les travailleurs français.
"Soyez assuré de pouvoir compter sur moi pour faire surveiller par les services compétents du gouvernement français avec un zèle redoublé vos pneus d'importation", a menacé M. Montebourg.
Titan International avait proposé en 2012 de reprendre plus de 500 salariés de l'usine en difficulté Goodyear d'Amiens-nord, mais le projet avait ensuite capoté, et la relance du gouvernement en 2013 avait déclenché la lettre de M. Taylor.
"Les salariés discutent pendant trois heures et travaillent pendant trois heures", "vous pouvez garder les soi-disant ouvriers": le patron du groupe américain de pneumatiques agricoles n'a pas mâché ses mots dans son courrier à Arnaud Montebourg, rendu public mardi mais daté du 8 février.
"Goodyear a essayé pendant plus de quatre ans de sauver une partie des emplois à Amiens, qui sont parmi les mieux payés, mais les syndicats et le gouvernement français n'ont fait rien d'autre que de discuter", a écrit le PDG Maurice M. Taylor, parlant de "syndicat fou" et insistant sur la responsabilité du gouvernement français dans ce dossier.
Cette lettre à Arnaud Montebourg n'est pas "une lettre à une petite amie, on parle d'affaires", a admis M. Taylor mercredi dans un entretien à l'AFP.
Il raconte, en prenant l'accent français, que dans ses missives, Arnaud Montebourg lui demandait de "relancer les négociations". "Je lui ai dit +vous êtes dingue+", ajoute-t-il. Il n'y a pas de négociations possibles puisque "nous sommes les seuls au monde à avoir voulu mettre de l'argent dans l'usine".
Montebourg invoque le général La Fayette
"Les ouvriers français travaillent bien mais le problème", c'est que "la journée d'un ouvrier français fait sept heures payées mais les ouvriers prennent une heure pour déjeuner et faire des pauses, ils travaillent trois heures, et les trois autres heures ils s'assoient ou se promènent et discutent", a renchéri Maurice M. Taylor.
Les ouvriers français, "on ne peut pas les suspendre, on ne peut pas les licencier", déplore-t-il encore, ajoutant que "bientôt, en France (il n'y aura plus d'emplois) et tout le monde passera la journée assis dans les cafés à boire du vin rouge".
Dans sa réponse mercredi, M. Montebourg rappelle le nombre d'entreprises américaines installées en France et insiste sur les liens historiques unissant les deux pays, en invoquant les liens historiques entre les deux nations, que ce soit l'aide du Marquis de La Fayette à l'indépendance américaine ou le débarquement américain en Normandie du 6 juin 1944.
"Loin de vos propos aussi ridicules que désobligeants, l'ensemble de ces entreprises (américaines) connaît et apprécie la qualité et la productivité de la main d'oeuvre française", écrit M. Montebourg.
"Puis-je vous rappeler que Titan, l'entreprise que vous dirigez est 20 fois plus petite que Michelin, notre leader technologique français à rayonnement international, et 35 fois moins rentable", poursuit-il.
"Savez-vous au moins ce qu'a fait (le marquis de) La Fayette pour les Etats-Unis d'Amérique? Pour notre part, nous Français, n'oublierons jamais le sacrifice des jeunes soldats américains sur les plages de Normandie pour nous délivrer du nazisme en 1944", écrit encore M. Montebourg.
Et il conclut: "en attendant, soyez assuré de pouvoir compter sur moi pour faire surveiller par les services compétents du gouvernement français avec un zèle redoublé vos pneus d'importation. Ils veilleront tout particulièrement au respect des normes applicables en matière sociale, environnementale et technique".