par Gwénaëlle Barzic
PARIS (Reuters) - Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel s'est défendu vendredi d'avoir cédé aux pressions après la polémique suscitée par sa décision d'autoriser le passage en gratuit de la chaîne d'information en continu LCI, propriété de TF1 (PA:TFFP).
Le CSA a fait volte-face après s'être opposé à deux reprises, dont la dernière fois en juillet 2014, à la requête de LCI au motif qu'elle risquait de mettre en péril l'équilibre économique d'un créneau de l'information déjà occupé par BFM TV (groupe NextRadioTV) et iTélé (Canal+, groupe Vivendi (PA:VIV)).
Dans un communiqué diffusé jeudi, le gendarme de l'audiovisuel a expliqué que la chaîne n'avait plus d'avenir si elle restait payante, ajoutant que son arrivée sur la TNT gratuite contribuerait "au pluralisme et à l'intérêt du public".
La décision du régulateur, qui a dans le même temps rejeté des requêtes similaires de Paris Première (M6) et Planète+ (Canal+), a provoqué une levée de boucliers chez les concurrents de LCI.
"La décision du CSA est assez incompréhensible. Les seules raisons qui puissent justifier ce choix, ce sont des pressions politiques", a estimé sur RTL le PDG de NextRadioTV Alain Weill.
"En fait, on préfère qu'il y ait beaucoup de chaînes d'information pour ne pas qu'il y ait de tête qui dépasse", a ajouté le dirigeant qui prévoit d'attaquer la décision du CSA devant le Conseil d'Etat.
Le président du directoire de M6 Nicolas de Tavernost, qui prévoit également de contester le choix du CSA, s'est lui aussi dit surpris.
"Le CSA fout le bazar dans la télévision d'information. Je connais bien l'Europe, on est le seul pays à autoriser autant de chaînes d'information gratuites sur la TNT", a-t-il estimé sur la même radio.
UN CRÉNEAU ENCOMBRÉ
Les interrogations sont d'autant plus pressantes que le paysage de l'information en continu risque l'encombrement avec le projet de chaîne publique pour l'automne 2016 et ce à quelques mois de la prochaine élection présidentielle.
Si BFM TV gagne de l'argent, iTélé, qui est en passe d'afficher cette année sa meilleure performance avec 1% de part d'audience, devrait perdre plusieurs millions d'euros.
Les deux chaînes sont toutefois considérées comme moins vulnérables, NextRadioTV devant s'allier avec le géant des médias et des télécoms Altice (AS:ATCE) du milliardaire Patrick Drahi tandis que Vincent Bolloré, le président du conseil de surveillance de Vivendi, a promis de consacrer deux milliards d'euros à la relance de Canal+.
LCI s'est en outre engagée à proposer une information différente de ses concurrents en donnant davantage de place aux magazines tout en montrant patte blanche en excluant des offres publicitaires couplées ou des promotions croisées avec TF1.
Le président du CSA, a pour sa part, justifié la décision de l'autorité de régulation, en se défendant d'avoir cédé à des pressions.
"Il y a un énorme besoin d'information diversifiée, pluraliste et je crois aussi que l'information est par nature le domaine de la TNT gratuite. Payer l'information aujourd'hui, ce n'est plus une habitude que les téléspectateurs acceptent", a expliqué Olivier Schrameck sur Europe 1.
"En 2014, on nous a dit : vous cédez à des pressions. En 2015, nous prenons la décision inverse, on nous dit : vous cédez à des pressions", a-t-il ajouté.
La tâche s'annonce cependant ardue pour LCI qui part d'une audience réduite et avec une numérotation qui la met à l'écart de ses concurrentes, installées sur les créneaux 15 et 16.
L'action de sa maison-mère TF1 est pénalisée en Bourse vendredi, les investisseurs s'interrogeant sur la rentabilité de LCI, déficitaire à hauteur de 8,5 millions en 2014, dans un contexte de marché publicitaire tendu.