L'enquête sur les soupçons de surveillance de salariés et de clients d'Ikea a pris une nouvelle tournure avec les mises en examen vendredi de l'ancien directeur et de l'actuel responsable sécurité d'un magasin du sud de la France.
Avant les opérations menées dans le magasin d'Avignon-Vedène (Vaucluse), l'enquête s'était orientée sur des commerces franciliens et brestois du géant suédois de l'ameublement.
Placés sous contrôle judiciaire et laissés libres à l'issue de leur présentation au juge d'instruction, les deux hommes de l'enseigne vauclusienne ont été mis en examen pour "infractions à la législation informatique et libertés", selon des sources proches du dossier.
Rencontrés par un journaliste de l'AFP à l'issue de leur audition, ils n'ont pas souhaité réagir.
Contacté, le parquet de Versailles n'a pas souhaité faire de commentaire.
Sollicitée également, la direction d'Ikea France a dit "prendre acte" des deux nouvelles inculpations sans pour autant se prononcer davantage sur l'instruction, n'ayant "pas accès au dossier".
Les deux hommes avaient été placés en garde à vue mardi, par la police judiciaire de Versailles en charge de l'enquête, puis détenus à la maison d'arrêt du Pontet (Vaucluse) dans l'attente de leur transfèrement dans les Yvelines.
Les opérations avaient également conduit à la garde à vue de l'actuel directeur et d'un cadre du magasin, par ailleurs délégué central CFTC. Ils ont été laissés libres à l'issue de leurs auditions à Avignon.
Le syndicaliste a toutefois indiqué envisager de se constituer partie civile, estimant avoir été mêlé à tort à cette affaire.
Il dit avoir donné une clef USB aux enquêteurs de la Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Versailles, avec des informations qui seraient à charge contre la direction d'Ikea.
D'autres magasins
L'orientation de l'enquête en dehors de la seule Ile-de-France augure d'une "vague d'opérations similaires" dans d'autres magasins, estime Me Yassine Yakouti, l'un des avocats des syndicats du géant de l'ameublement, parties civiles dans ce dossier.
L'affaire d'espionnage qui ébranle la filiale française d'Ikea avait déjà conduit à deux mises en examen, fin janvier: celles de Jean-François Paris, responsable du département gestion du risque de 1998 à 2012, et de son ancienne adjointe.
En février 2011, des révélations du Canard Enchaîné avaient ébranlé Ikea: la filiale française est soupçonnée d'avoir "fliqué" des salariés et des clients, en se procurant des renseignements sur leurs antécédents judiciaires, policiers ou leurs comptes en banque.
Les syndicats FO et CGT avaient déposé plusieurs plaintes, amenant la justice à ouvrir une information judiciaire en avril 2012.
Condamnant des "pratiques regrettables, contraires aux valeurs et standards éthiques" de l'entreprise, la direction d'Ikea France s'était séparé, un mois plus tard, de quatre dirigeants, dont son ancien directeur général (de 1996 à 2009), Jean-Louis Baillot, et Jean-François Paris.
Le directeur général d'Ikea France, Stefan Vanoverbeke, avait annoncé en juillet une série de mesures éthiques visant à redorer le blason de l'entreprise et à tirer les leçons de ce scandale.
Selon la direction de l'enseigne d'ameublement, elles s'appuient notamment sur un "code de conduite", "la révision des processus de recrutement" et "une adaptation de son cadre de gouvernance".
A l'occasion des premières mises en examens, fin janvier, les engagements pris devant la presse par M. Vanoverbeke avaient été fustigés par les syndicats.
Pour Hocine Redouani, délégué FO, "aucun engagement" n'avait été "honoré". "Il est inadmissible que des gens qui étaient au courant (des faits de surveillance illégale) soient encore à la tête de l'entreprise (...) Le pseudo- +code de conduite+ est pour nous un +code de la délation+ ", avait-il ajouté.