Investing.com - Wall Street a ouvert en repli marqué ce mercredi, prolongeant la correction entamée la veille. Le Dow Jones Industrial Average abandonne près d’un pour-cent, entraîné par l’ensemble des secteurs cycliques ; le S&P 500 reflue sensiblement, tandis que le Nasdaq, plus exposé aux valeurs de croissance, limite la casse mais reste sous pression. Après six séances d’un redressement nourri par la trêve commerciale sino-américaine, l’humeur s’est assombrie à la suite de deux chocs successifs : la rétrogradation de la dette fédérale par Moody’s, puis le lancement au Congrès d’un projet de réductions d’impôts potentiellement explosif pour les finances publiques.
Le « tax package » défendu par Donald Trump – baisse généralisée de l’impôt sur le revenu, relèvement des crédits à la défense et au contrôle migratoire – s’est heurté dès mardi soir à la fronde d’élus républicains modérés. Non seulement la réforme pourrait creuser le déficit de trois à cinq mille milliards de dollars sur dix ans, mais elle survient alors que la dette publique flirte déjà avec 36 200 milliards. Moody’s, dernier des trois grands acteurs à conserver le triple A américain, a finalement cédé, invoquant l’absence de trajectoire crédible de désendettement. Résultat : les rendements des bons du Trésor à dix ans, brièvement retombés sous 4,4 % après l’accord tarifaire, sont repartis vers 4,5 %, ravivant la pression sur les valorisations boursières.
Cette tension se conjugue à des signaux mitigés sur la conjoncture. Le net recul de l’inflation à la production, enregistré lundi, a rassuré les partisans d’un assouplissement monétaire ; mais les ventes au détail, publiées hier, montrent un consommateur plus frileux. Dans ce contexte, la salve de résultats des enseignes américaines faisait figure de test. Verdict : Target voit son chiffre d’affaires à périmètre constant reculer et abaisse sa prévision annuelle, citant la défiance des ménages et la réduction des achats non essentiels. L’annonce a instantanément ravivé le souvenir de Walmart (NYSE:WMT), qui prévenait la semaine passée que la hausse des droits de douane sur les produits chinois finirait par se répercuter sur les prix. À l’inverse, Lowe’s, concurrent de Home Depot, a livré des comptes plutôt solides et maintenu sa stratégie tarifaire, misant sur l’élasticité moindre du marché du bricolage face aux hausses de coûts.
L’avertissement de Target rappelle que la séquence tarifaire reste un facteur d’incertitude. Après la pause de quatre-vingt-dix jours arrachée à Genève, les investisseurs guettent les signaux de nouvelles négociations bilatérales : Tokyo et Washington doivent reprendre langue cette semaine, mais le Trésor prévient qu’aucune percée n’est attendue avant le G7 Finances. Dans le même temps, Pékin dénonce « une remise en cause de l’esprit de la trêve » après que le département américain du Commerce a alerté sur l’utilisation des puces Ascend de Huawei. Cette mise en garde, perçue en Chine comme une tentative de verrouiller le marché des semi-conducteurs, souligne la fragilité de la détente.
Le message de la Réserve fédérale n’apporte pas de répit immédiat. Plusieurs responsables – dont John Williams et Lorie Logan – répètent que l’institution restera en retrait tant que les incertitudes commerciales brouilleront la lecture de l’inflation. Aucun d’eux ne considère pour l’heure un abaissement rapide des taux directeurs, renforçant la corrélation entre la baisse des actions et la hausse des rendements obligataires.
Du côté des valeurs technologiques, Palo Alto Networks déçoit avec des dépenses opérationnelles en forte hausse, tandis que Snowflake doit encore convaincre lors de ses résultats attendus après la clôture. À l’inverse, Baidu (NASDAQ:BIDU) profite d’un rebond de son cloud alimenté par l’intelligence artificielle, et Xpeng (NYSE:XPEV) limite ses pertes grâce à des livraisons supérieures aux attentes. Ces performances contrastées traduisent un marché encore sélectif, qui distingue les groupes capables de préserver leurs marges dans un environnement de coûts volatils.
Enfin, dans le secteur du jeu vidéo, Take-Two Interactive recule lourdement après l’annonce d’une levée de fonds d’un milliard de dollars, preuve que même les mastodontes du divertissement cherchent à renforcer leur trésorerie avant le lancement, repoussé, du très attendu GTA VI.
Au total, l’indice phare de Wall Street illustre la tension entre un soulagement tarifaire encore récent et la résurgence de peurs plus traditionnelles : la discipline budgétaire américaine et l’orientation future de la Fed. Tant que le vote du tax bill n’aura pas livré son verdict, et que la banque centrale ne se prononcera pas plus clairement, les marchés risquent de rester volatils, pris entre l’espoir d’un cycle de consommation résilient et la crainte d’un tournant restrictif durable sur le front monétaire.