par Maher Chmaytelli et Michael Georgy
BAGDAD (Reuters) - Alors que l'avancée des forces irakiennes et kurdes se poursuit vers Mossoul pour en déloger l'Etat islamique, les djihadistes de l'EI ont fait diversion en lançant une contre-attaque sur la ville de Kirkouk aux premières heures de vendredi.
Cette attaque surprise qui a visé plusieurs bâtiments et une centrale électrique aux abords de Kirkouk, a fait 18 morts au sein des forces de l'ordre et parmi les employés de la centrale. Deux Iraniens, qui effectuaient des travaux de maintenance, figurent parmi les victimes, précise-t-on de source médicale.
Huit djihadistes ont été tués et un couvre-feu a été instauré, apprend-on auprès des services de sécurité.
Kirkouk, contrôlée par les forces kurdes depuis 2014, est à 2h30 de route environ au sud-est de Mossoul (170 km). Kirkouk est située à l'est de Haouidja, une zone toujours aux mains de l'EI entre Bagdad et Mossoul, capitale de la province de Ninive.
Les installations de production de pétrole n'ont pas été visées et la ville n'a pas connu de panne de courant.
De leur côté, les forces gouvernementales irakiennes, soutenues par l'appui aérien et terrestre de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, ont pu s'emparer de huit villages au sud et au sud-est de Mossoul. Les forces kurdes, qui, elles, attaquent par le nord et l'est, ont également pris plusieurs villages, selon les communiqués des différents commandements militaires publiés dans la nuit.
Environ 1,5 million de personnes vivraient encore à Mossoul. Les combats ont d'ores et déjà contraint au départ 5.640 personnes vivant dans les environs, a annoncé jeudi soir l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Le Croissant-Rouge turc a annoncé l'envoi dans le nord de l'Irak de 20 camions contenant de la nourriture, des vêtements et des tentes et lits pour 10.000 personnes déplacées par les combats. "L'aide sera dans un premier temps acheminée à la trentaine de villages libérés autour de Mossoul", a déclaré à Reuters le président du Croissant-Rouge, Kerem Kinik.
SACRIFICE ULTIME
Au sein de la coalition, un militaire américain est mort jeudi de ses blessures causées par l'explosion d'une bombe artisanale près de Mossoul.
Environ 5.000 militaires américains se trouvent en Irak. Une centaine d'entre eux ont été incorporés dans les forces irakiennes et kurdes peshmergas. Ils jouent un rôle de conseil et font en sorte que les frappes aériennes tombent sur les bons objectifs.
Toutefois, le commandement militaire kurde s'est plaint jeudi d'une insuffisance du soutien aérien.
"Malheureusement, un certain nombre de peshmergas ont payé du sacrifice ultime pour que nous puissions enregistrer les gains d'aujourd'hui contre l'EI. En outre, le soutien des avions de guerre de la coalition internationale n'a pas été aussi décisif que par le passé", a déclaré un commandant kurde dans un communiqué.
Un haut gradé kurde explique que la progression vers Mossoul, qui pour l'instant se fait plus rapidement que prévu selon le Premier ministre irakien Haïdar al Abadi, va ralentir.
L'EI y a creusé des tranchées et des tunnels et pourrait utiliser des civils comme boucliers humains. Selon une porte-parole du Haut-Commissariat des droits de l'homme à Genève, l'Etat islamique retiendrait dans différents sites de la ville 550 familles ramenées des villages alentour dans le but de les utiliser comme boucliers humains.
"MORT À DAECH"
"Je pense qu'on évaluera plus clairement la durée de cette guerre dans les semaines qui viennent, une fois qu'on en aura fini avec ces villages et que nous nous serons rapprochés de la ville", explique le gradé kurde. S'ils (les djihadistes) décident de défendre la ville, alors le processus ralentira."
Une fois dans Mossoul, les forces spéciales irakiennes devront progresser rue par rue et quartier par quartier pour les débarrasser des bombes et explosifs divers dissimulés par l'EI.
L'EI, à l'inverse, nie les avancées revendiquées par les forces gouvernementales. "La croisade de Ninive commence mal", dit l'organisation dans son hebdomadaire en ligne, Al Nabaa. Daech affirme avoir repoussé des attaques sur tous les fronts, tué ses ennemis par dizaines dans des embuscades et des attaques suicides et détruit de nombreux véhicules dont des chars.
A Kirkouk, les forces kurdes ont délogé les djihadistes de tous les bâtiments dont ils s'étaient emparés à l'exception d'un hôtel abandonné et d'une mosquée, où les combats se poursuivaient dans l'après-midi. Les combattants de l'EI ont également coupé la route entre la ville et la centrale électrique, située à 30 km au nord.
Plusieurs dizaines de combattants ont pris part à l'assaut, selon les forces de sécurité qui n'ont pu confirmer la prise en otage d'un policier kurde, comme le revendique l'EI.
Selon le général Talib Chaghati, chef des forces spéciales irakiennes, ceux qui ont lancé l'assaut sur Kirkouk venaient de l'extérieur de la ville.
Sur la ligne de front au sud de Mossoul, dans la région de Kayyara, de la fumée noire s'élevait des puits de pétrole auquel l'EI a mis le feu pour contrecarrer les vols de la coalition internationale. L'armée et la coalition ont repris cette région en août et utilisent sa base aérienne comme quartier général des opérations de soutien à l'offensive sur Mossoul.
"Vive l'Irak, mort à Daech", peut-on lire sur un mur près d'un barrage de l'armée.
(Avec Michael Georgy près de Kayyara, Stephen Kalin à l'est de Mossoul, Saïf Hami à Bagdad, Ercan Gurses et Tuvan Gumrukcu à Ankara et Tom Miles à Genève; Danielle Rouquié pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)