Des milliers de départs et des efforts coûteux pour les salariés: pour éviter "la catastrophe", PSA s'est lancé en 2013 dans une course aux économies, comme Renault. Des efforts qui commencent à payer, selon les deux constructeurs.
Les deux entreprises ont signé l'an dernier des accords de compétitivité, avec un objectif: produire plus avec moins de personnes.
En mars pour Renault (PARIS:RENA), qui a signé avec trois syndicats sur quatre (CFE-CGC, FO, CFDT). En octobre pour PSA Peugeot (PARIS:PEUP) Citroën avec quatre organisations sur six (FO, CFE-CGC, GSEA, CFTC).
D'un côté, les constructeurs s'engageaient à maintenir leurs usines en France, au moins jusqu'au terme des accords, fin 2016. De l'autre, les salariés devaient faire des concessions sur le temps de travail et les salaires.
Cet engagement de maintien des sites a été "totalement respecté", constate Christian Lafaye, représentant FO, issu de la fonderie de Sept-Fons (Allier), PSA "est en train de sortir du fond des abîmes".
Après avoir "frôlé la catastrophe", le "redressement est en cours", constate le groupe, même si "il y a encore beaucoup de transformations à faire pour être définitivement sorti d'affaire".
Au premier semestre, le groupe a nettement réduit ses pertes, tandis que Renault améliorait sensiblement ses bénéfices.
La marque au losange observe avec satisfaction "des gains de coûts". Avec l'accord et le coup de pouce aussi du Crédit d'impôt compétitivité (CICE), "c'est une des premières fois dans l'histoire de Renault en France que le coût de la main d’œuvre baisse d'une année à une autre", relève Jean Agulhon, le DRH France de Renault.
Le groupe, qui visait 8.000 départs non remplacés en trois ans, est à mi-chemin, de sources syndicales. Chez PSA, déjà en restructuration avant l'accord, 11.600 postes ont disparu entre fin 2011 et fin 2013. Sans compter la fermeture cette année de l'usine d'Aulnay-sous-Bois en région parisienne.
- Situation cocasse -
Les deux groupes ont misé sur le départ anticipé de leurs seniors, dispensés d'activité tout en conservant une grande part de leur salaire jusqu'à la retraite. La mesure "rencontre un grand succès", affirme Philippe Dorge, DRH du groupe PSA. Près de 2.500 salariés ont déjà adhéré.
Ces départs non remplacés ont un revers: "Une charge de travail supérieure pour ceux qui restent", constate néanmoins chez Renault Bruno Azière (CFE-CGC).
Un avis partagé par ses confrères de PSA, où "les conditions de travail s'alourdissent", selon Thomas Baudouin (CGT). PSA avait promis de compenser en partie ces départs par l'embauche d'apprentis. "Le compte n'y est pas", déplore le syndicaliste hostile à l'accord.
A force de départs, dans certains sites Renault, "il manque des compétences", selon M. Azière, qui espère voir très vite se concrétiser les recrutements promis (700 au total). Exemple cocasse: à Sandouville, près du Havre, un retraité de Douai (Nord) est revenu pour encadrer des salariés... comme intérimaire.
Dans ces conditions, et alors que le marché retrouve un peu d'élan, Renault fait largement appel à l'intérim. Dans l'usine normande, il y a maintenant plus d'intérimaires que d'ouvriers maison (1.200 contre 900), une situation que connaissent d'autres sites et qui désole Xavier Raynaud (CGT): "Sans ses intérimaires, Renault ne pourrait sortir aucune voiture".
Pour produire 30 véhicules à l'heure, une équipe de nuit a été mise en place dans cette usine et les salariés travaillent régulièrement le samedi. La CGT dit constater "une très forte croissance des accidents du travail chez les intérimaires" et, plus généralement, "une détérioration à vitesse grand V des conditions de travail".
- Heures sup moins payées -
Comme prévu par l'accord, le temps de travail a été augmenté en moyenne de 6,5% chez Renault (pour atteindre les 35H), avec une perte de RTT notamment, et des centaines de salariés sont allés travailler sur d'autres sites au gré des besoins.
Chez PSA, les heures supplémentaires moins bien payées (25% au lieu de 45%) et l'absence d'augmentations générales depuis 2013 se traduisent par des "pertes de pouvoir d'achat", selon Laurence Navarro, représentante CFTC à Mulhouse.
Un autre point de l'accord fait grincer des dents dans les ateliers de PSA: l'+overtime+ (heures supplémentaires définies au jour le jour). Cette pratique gravée dans le marbre est pour la CFDT une "bombe à retardement".
"C'est la mesure qui passe le moins bien", reconnaît Franck Don (CFTC) pour qui l'accord "a clarifié l'avenir des usines mais pas l'organisation du travail".
Pour rassurer les salariés sur la pérennité des sites, les constructeurs se sont engagés sur des volumes de production à la hausse en 2016: 710.000 véhicules pour Renault, un million pour PSA, qui table sur un objectif similaire en 2017.
Mais après? Les salariés s'inquiètent. "La direction dit qu'elle respecte l'accord mais à sa sortie, fin 2016, on se pose des questions" pour Sandouville, s'alarme Didier Leclerc (CGT-Renault).
Chez PSA, à Rennes La Janais, la CFDT craint qu'il ne reste plus dans quatre ans que le nouveau modèle devant être produit à partir de 2016. Mais pour la direction, cette promesse éclaire "largement" l'horizon puisque "la durée de vie d'un nouveau véhicule est de six, sept ans".