Investing.com - Les valeurs de la défense européenne confirment leur statut d’investissement phare, alors que les gouvernements du Vieux Continent font face à une pression grandissante pour augmenter leurs budgets militaires. Le conflit ukrainien, qui dure maintenant depuis trois ans, a déjà transformé les priorités stratégiques de l’Union européenne, et les appels de Washington en faveur d’un effort financier accru alimentent encore cette dynamique. À quelques jours d’une rencontre cruciale entre les États-Unis et la Russie pour tenter de négocier un accord de paix, l’Europe entend peser plus lourd dans la balance diplomatique, d’où l’urgence de renforcer ses capacités de défense.
La récente Conférence de Munich sur la sécurité a mis en évidence la volonté des pays européens de réduire leur dépendance aux États-Unis pour leur sécurité et de relever sensiblement leurs budgets militaires. Les analystes de Morgan Stanley (NYSE:MS), qui conseillent déjà de se positionner sur les titres de la défense européenne depuis plusieurs mois, soulignent que la demande en matériel de guerre et en services associés devrait rester soutenue à moyen et long terme. Selon eux, les entreprises comme Rheinmetall, Leonardo ou encore BAE Systems (LON:BAES), déjà considérées comme des valeurs sûres, voient leurs perspectives s’améliorer à mesure que les gouvernements européens s’engagent à moderniser leurs équipements.
Lundi, l’effet des pressions politiques s’est immédiatement reflété dans les marchés : l’allemand Rheinmetall a bondi de 11 % pour inscrire un nouveau record, tandis que le suédois Saab AB et le britannique BAE Systems ont grimpé respectivement de 11 % et 6 %. L’italien Leonardo et le français Thales (EPA:TCFP) ont tous deux gagné plus de 5 %, tandis que Thyssenkrupp, qui envisage de séparer sa division navale TKMS, a vu son titre grimper de près de 20 %, touchant un sommet inégalé depuis plus d’un an. Le mouvement haussier de ces valeurs a largement contribué à faire progresser de plus de 3 % l’indice européen regroupant les entreprises de l’aérospatiale et de la défense, lequel a plus que doublé depuis le début de la guerre en Ukraine.
Cette flambée boursière s’appuie aussi sur l’actualité politique. Alors qu’Emmanuel Macron accueille à Paris, ce lundi, un sommet d’urgence consacré au conflit, le Premier ministre britannique Keir Starmer a réaffirmé la nécessité pour tous les pays d’Europe de consacrer une part plus importante de leur PIB à l’effort de défense. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a d’ailleurs proposé vendredi d’activer une « clause d’exception » budgétaire, permettant d’exclure les dépenses militaires des règles européennes en matière de déficit public. Cette mesure offrirait aux États membres la possibilité d’augmenter leur budget de défense sans craindre de sanctions ou de procédure pour déficit excessif.
Dans une note de recherche, Mediobanca (BIT:MDBI) Securities souligne que la capacité de l’Europe à peser sur les pourparlers de paix dépendra largement de ses capacités de défense supplémentaires, notamment de l’aide militaire susceptible d’être envoyée à l’Ukraine. Les propos d’Alberto Conca, directeur des investissements chez LFG+ZEST, abondent dans le même sens : il juge que la tendance haussière des actions de la défense est loin d’être terminée, anticipant encore de belles marges de progression du fait des annonces politiques répétées en faveur de budgets militaires plus élevés.
Si l’OTAN a initialement fixé à 2 % du PIB l’objectif de dépense pour ses membres en 2006, l’ancien président américain Donald Trump a réitéré sa volonté de relever ce plancher à 5 %, critiquant vivement l’insuffisance de l’engagement financier de nombreux pays européens. Les chiffres sont pourtant en nette hausse : selon Banca Akros, les dépenses de défense cumulées de l’UE pourraient atteindre 326 milliards d’euros en 2024, en progression de plus de 30 % par rapport à il y a quelques années. Certains pays, à l’image des Pays-Bas ou de l’Italie, restent cependant sous la barre des 2 %, mais se trouvent désormais poussés à aligner leurs efforts sur ceux de leurs voisins, sous peine de perdre en crédibilité internationale.
La perspective d’une augmentation massive de la dette pour financer ces dépenses militaires commence par ailleurs à faire monter les taux sur les marchés obligataires, signe que les traders anticipent un appel accru à l’emprunt. Le STOXX 600, indice boursier de référence en Europe, gagnait lui 0,2 % en fin de séance lundi, soutenu par la belle performance du compartiment défense.
Dans ce contexte, les observateurs notent que la dépendance stratégique de l’Europe à l’égard des États-Unis s’effrite progressivement, au profit d’une identité de défense commune qui se dessine à Bruxelles. Les propositions visant à rationaliser les achats, à structurer une force militaire européenne et à consolider la base industrielle dans le secteur confortent l’optimisme des investisseurs. Bien que la volatilité à court terme demeure liée à l’évolution imprévisible du conflit et aux incertitudes de l’environnement géopolitique, la tendance de fond, dopée par la hausse des budgets et la réorganisation sécuritaire de l’Europe, semble solidement établie. Pour Morgan Stanley et d’autres acteurs de la finance, il ne fait plus guère de doute que l’industrie européenne de la défense est engagée dans une trajectoire haussière durable.