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"Paradise papers", des stratégies à la frontière de la légalité

Publié le 06/11/2017 18:42
Avec les 'Paradise Papers', on est dans 'quelque chose de plus raffiné' que dans les 'Panama Papers', souligne Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE. Photo prise à Paris le 7 juin 2017 (Photo ERIC PIERMONT. AFP)
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Avec les 'Paradise Papers', on est dans 'quelque chose de plus raffiné' que dans les 'Panama Papers', souligne Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE. Photo prise à Paris le 7 juin 2017 (Photo ERIC PIERMONT. AFP)

Dix-huit mois après les "Panama papers" qui avaient révélé les mécanismes frauduleux d'évasion fiscale, les "Paradise papers" lèvent le voile sur les stratégies d'optimisation employées pour échapper à l'impôt, qui ne sont, elles, pas forcément illégales.

Que révèlent les "Paradise papers"?

Cette nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) s'appuie sur la fuite de 13,5 millions de documents, provenant notamment d'un cabinet international d'avocats basé aux Bermudes, Appleby. Elle détaille les dispositifs et les circuits planétaires d'optimisation fiscale permettant aux particuliers fortunés et aux entreprises de ne pas payer d'impôt.

Parmi les noms cités figurent la reine Elizabeth II, le ministre américain au Commerce Wilbur Ross, ou des multinationales telles que Apple (NASDAQ:AAPL) ou Nike (NYSE:NKE).

Plus encore que les "Panama papers" qui braquaient les projecteurs sur des dispositifs illégaux, cette enquête montre que "les riches contribuables et les entreprises s'arrangent avec les différents paradis fiscaux, pour échapper de manière industrielle à l'impôt", souligne Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer pour le Financement du développement au CCFD-Terre Solidaire.

Quels sont les mécanismes utilisés?

Dans ces documents, le recours à des "sociétés offshore" apparaît régulièrement. Il s'agit de sociétés enregistrées à l'étranger, mais qui à la différence des filiales internationales d'entreprises, n'exercent aucune activité économique dans le pays où elles sont domiciliées.

L'utilisation de structures intermédiaires, comme les "trusts" (permettant de déléguer la gestion de ses actifs à une personne de confiance) ou les sociétés "prête-noms" (permettant de dissimuler l'identité du bénéficiaire réel), apparaît quant à elle comme quasi systématique.

Le point commun de ces différentes structures, c'est "l'opacité", souligne Lucas Chancel, co-directeur du Laboratoire sur les inégalités mondiales à la Paris School of Economics (PSE), qui décrit des organisations "en cascade", avec des mécanismes "extrêmement complexes et sophistiqués".

Des circuits qui privent les finances publiques de montants colossaux: selon les calculs effectués pour l'ICIJ par l'économiste Gabriel Zucman, professeur à l'université de Berkeley en Californie, l'évasion fiscale des entreprises et des grandes fortunes engendrerait près de 350 milliards d'euros de pertes fiscales par an aux Etats du monde entier.

Est-ce illégal?

"On est clairement dans le domaine de la faille juridique", déclare Lucas Chancel, qui estime que les faits décrits dans les Paradise Papers relèvent avant tout de stratégies "d'optimisation fiscale", se jouant des zones grises du droit international.

Tout le monde, en effet, a le droit de créer une société offshore, du moment que les profits sont déclarés. Même si généralement, ce type de société est créé dans des Etats où la fiscalité est particulièrement avantageuse, dans ce que l'on appelle les "paradis fiscaux".

"Les Panama papers étaient le scandale de l'illégalité", a souligné Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, interrogé sur France Inter. Avec les Paradise papers, "on est dans quelque chose de plus raffiné, de plus distingué, de plus élaboré, on est sur des schémas légaux".

Où en est-on de la lutte contre ce phénomène?

Depuis la crise financière de 2008, plusieurs initiatives ont été mises en place, notamment sous l'égide de l'OCDE: fin septembre, l'échange automatique d'informations bancaires est ainsi entré en vigueur dans 50 pays.

Pour Lucas Chancel, on est malgré tout "encore loin du compte". "L'échange d'information va à l'encontre des intérêts d'un certain nombre d'acteurs", explique-t-il. "Cela ne peut se faire de manière efficace que s'il y a une réelle contrainte".

Les ONG appellent pour leur part les gouvernements à des actions plus résolues, alors que les révélations de type "Offshore Leaks", "Lux Leaks" et autres "Malta Files" se succèdent dans la presse depuis quatre ans. "Des mesures doivent être prises dès maintenant pour agir en établissant une liste noire des paradis fiscaux et en imposant la transparence pour que l'on sache clairement si les sociétés et les grandes entreprises payent leur juste part d'impôt", a estimé dans un communiqué Manon Aubry, porte-parole d'Oxfam France.

Lison Rehbinder, de CCFD, plaide pour obliger les multinationales à publier leurs données financières pays par pays, une mesure censurée par le Conseil constitutionnel fin 2016. Elle appelle aussi à lutter contre la "concurrence fiscale" entre les Etats. "Ca nourrit un jeu extrêmement dangereux où la frontière entre ce qui est un paradis fiscal et ce qui n'en est pas un devient de plus en plus flou", déclare-t-elle.

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