PARIS (Reuters) - Le ralentissement des économies développées rend les actifs risqués moins attractifs et redonne de l’intérêt aux titres obligataires les plus sûrs, estime-t-on chez Pictet AM.
"La prime de risque sur les actifs risqués est vouée à remonter, d’autant que le resserrement quantitatif de la Fed a été ralenti par le soutien accordé aux banques américaines et l’absence de nouvelles émissions du Trésor américain", a remarqué Frédéric Rollin, conseiller en stratégie chez Pictet AM, lors d'une conférence de presse lundi.
"Ce sont les fortes injections de liquidités des derniers mois qui ont permis aux marchés de tenir", estime-t-il.
Frédéric Rollin met aussi en avant le retour d’un "put banque centrale" pour expliquer la déconnexion de la performance des actions développées du contexte économique, incertain - à savoir l'anticipation d'un ralentissement de la croissance qui pourrait déclencher un nouveau cycle d’assouplissement monétaire.
Frédéric Rollin note qu'aux Etats-Unis, le crédit accordé par les banques commerciales est en net ralentissement, avec une croissance de 1,3% sur un an en mai contre un pic de plus de 10% atteint en seconde partie d’année dernière.
Par ailleurs, le nombre d’heures travaillées et le nombre de démission sont en retrait depuis leurs niveaux records atteint en 2022, un signe que les tensions sur le marché du travail, qui ont contribué à la dynamique d’inflation américaine, s’affaiblissent.
"Nous ne nous attendons pas à une nouvelle hausse de taux de la Fed, mais à une pause, qui serait suivie, courant 2024, d’une baisse des taux", a-t-il indiqué.
A l’inverse, si la zone euro est confrontée à un durcissement des conditions d’octroi de crédit similaire, qui finira par peser sur l’activité, la tension sur les marchés du travail reste à un niveau record, avec un taux de chômage historiquement bas et un taux de vacances de postes proche de son record, à 3,3%.
"La BCE devrait bien relever ses taux à deux, voire trois reprises, les risques d’un désancrage des anticipations d’inflation restant présent : les swaps d’inflation 5 ans dans 5 ans ne cessent de progresser depuis mi-2019 et sont bien au-delà de 2%, ce qui envoie un mauvais signal", a constaté Frédéric Rollin.
Dans ce contexte, Pictet AM s'éloigne donc des actifs risqués et du crédit spéculatif, dont les écarts de taux ne reflètent pas encore assez nettement le risque de remontée des défauts, pour favoriser les titres souverains et le crédit bien noté (investment grade).
Selon Pictet AM, les actifs émergents pourraient par ailleurs profiter d’une inflation déjà en retrait - un indice agrégé de l’inflation de 30 pays émergents a chuté à 3,8% en mai après un pic à près de 8% -, tandis que l’affaiblissement du dollar au rythme de l’économie américaine profiterait aux devises locales.
(Reportage Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)