par Pete Sweeney et Lu Jianxin
SHANGHAI (Reuters) - Le yuan chinois a atteint son plus bas niveau depuis quatre ans mercredi, conséquence de la dévaluation surprise décidée la veille par la Banque de Chine, qui fait craindre une nouvelle guerre des monnaies.
Sur le marché spot, le yuan est tombé à 6,43 pour un dollar, son plus bas niveau depuis août 2011, après que la banque centrale eut fixé son point médian de référence quotidien à 6,3306, sous le cours de clôture de la veille.
La Banque de Chine a décrit sa décision comme une mesure exceptionnelle destinée à améliorer le mécanisme de fixation du taux de change du yuan, afin de le rendre plus réceptif aux forces du marché. Elle s'est employée mercredi à rassurer les marchés financiers en réfutant l'idée d'une dévaluation prolongée.
"Eu égard à la situation économique internationale et intérieure, rien ne justifie actuellement une dépréciation soutenue du yuan", a déclaré la Banque populaire de Chine dans un communiqué.
Un trader travaillant pour une banque européenne à Shanghai n'en souligne pas moins que la mesure surprise a provoqué une "certaine panique" sur les marchés financiers.
"Même si la banque centrale s'est expliquée aujourd'hui, insistant sur le fait que le yuan n'allait pas se déprécier sur une longue période, le marché est très nerveux", a-t-il dit.
Le yuan a désormais perdu 3,5% en Chine au cours des deux derniers jours, et environ 4,8% sur les marchés mondiaux.
Les autres devises asiatiques étaient également plus faibles mercredi. La roupie indonésienne et le ringgit malaisien ont touché des plus bas de 17 ans et les dollars australien et néo-zélandais des plus bas de six ans.
La banque centrale d'Indonésie a imputé cette baisse de la roupie à la dévaluation du yuan et annoncé qu'elle interviendrait sur les marchés des devises et des obligations pour prévenir toute volatilité.
Selon un opérateur d'une banque commerciale chinoise, la dépréciation du yuan prendra fin quand elle aura atteint le niveau souhaité par la Banque de Chine.
"A en juger par les deux derniers jours, (...) cette dévaluation exceptionnelle imaginée par la banque centrale pourrait atteindre entre 4 et 5% avant que la devise retrouve une nouvelle stabilité", a-t-il déclaré.
ÉLOIGNER LES RISQUES DÉFLATIONNISTES
La dévaluation de mardi, la plus forte baisse du yuan en une journée depuis une dévaluation massive en 1994, a fait suite à la publication d'une série de statistiques décevantes au cours du week-end faisant état d'une chute des exportations et d'une nouvelle baisse des prix à la production le mois dernier.
Un yuan plus faible aidera les exportateurs chinois en rendant leurs produits moins chers sur les marchés étrangers, ce qu'a reconnu le ministère chinois du Commerce mercredi.
Le ministère des Finances a fait état mercredi d'une hausse de 24,1% des dépenses budgétaires en juillet, reflet des efforts déployés par l'Etat pour stimuler la croissance.
D'autres indicateurs sont attendus dans la journée sur la production industrielle, les ventes au détail et les investissements en zones urbaines.
Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé que la décision de la Banque de Chine de modifier le mécanisme de fixation du yuan était une "mesure bienvenue" car elle devrait permettre à l'offre et la demande de peser davantage dans la détermination du taux de change.
La dévaluation a en revanche été condamnée par les élus des deux bords aux Etats-Unis, ces derniers estimant qu'elle offrait à la deuxième économie mondiale un avantage indu sur les marchés mondiaux. La décision de Pékin ne manquera pas d'être discutée lors de la visite du président Xi Jinping le mois prochain à Washington.
Mais tous les pays ne considèrent pas la dévaluation du yuan comme une menace. Ainsi le ministre sud-coréen des Finances Choi Kyung-hwan s'est félicité d'une décision positive pour les exportations coréennes vers la Chine, dont les produits ne sont pas en concurrence avec les biens chinois.
Si la dépréciation du yuan ne va pas résoudre tous les problèmes des exportateurs chinois, qui souffrent également d'une hausse de leurs coûts salariaux, elle devrait contribuer à réduire les risques de déflation, que nombre d'économistes considèrent comme un problème beaucoup plus préoccupant.
La baisse des prix des matières premières importées alimente en effet la baisse des prix à la production, qui menace la Chine d'un cycle déflationniste comme le Japon en a connu pendant des décennies.
Le taux de croissance de la Chine a subi un fort ralentissement cette année et pourrait tomber à son plus bas niveau en 25 ans, même s'il atteint l'objectif de 7% fixé par les autorités.
(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)