PARIS/NANTES (Reuters) - L'évacuation du site occupé par les opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) n'est pas à l'ordre du jour, ont annoncé vendredi les autorités françaises, provoquant la colère de ses partisans.
Alors que ces derniers réclament l'évacuation du site de 1.600 hectares promise à l'automne par Manuel Valls, Premier ministre à l'époque, le ministre de l'Intérieur a avancé un différend avec la Commission européenne pour justifier que les forces de l'ordre ne fassent pas mouvement comme annoncé.
"Il ne pourra y avoir d'intervention sur cette zone qu'au moment où toutes les procédures seront éteintes et où il n'y aura plus la moindre contestation possible", a déclaré à Bruxelles Bruno Le Roux en marge d'une réunion avec ses homologues de l'Union européenne.
Dans l'entourage du Premier ministre Bernard Cazeneuve, on ne cache pas que les risques opérationnels d'une évacuation font également partie des préoccupations des autorités françaises.
"Pendant que nous interrogeons l'UE, nous examinons les conditions opérationnelles d'engagement des forces dans un contexte de menace terroriste élevé", a-t-on dit.
Les partisans du projet ont réagi avec colère.
"Attendre la décision de la Commission européenne, c’est un prétexte bidon", a dit Bruno Retailleau, président (LR) de la région Pays de la Loire et du syndicat mixte aéroportuaire, qui réunit les collectivités locales qui financent le projet.
"Ce prétexte juridique cache simplement une lâcheté politique, une de plus", a ajouté ce proche du candidat de la droite pour l'élection présidentielle, François Fillon.
"SCANDALEUX", DISENT LES PARTISANS DU PROJET
Dominique Boschet, président de l'Association contre le survol de l'agglomération nantaise (Acsan), qui milite en faveur du "transfert" de l'actuel aéroport de Nantes, espère que ce "ne soit pas un moyen détourné de reculer à nouveau".
"Mais on y croit encore : on a du mal à imaginer qu'un président de la République n'honore pas un vote qu'il a lui-même sollicité", a-t-il dit à Reuters, en référence à la "consultation" de la population locale organisée en juin et qui s'est soldée par une victoire des partisans du "transfert".
Alain Mustière, président des "Ailes pour l'Ouest", une autre association de partisans du projet d'aéroport, a également jugé "scandaleux" le report de l'évacuation
"Ça en devient dramatique, surtout en période électorale : cela montre que les hommes politiques n'ont pas de parole… Je n'ai en effet jamais vu autant d'engagements publics en faveur d'un projet, et autant de renoncements", a-t-il dit.
Le projet d'aéroport est soumis au respect du droit européen. Une directive oblige notamment à soumettre des projets d'infrastructure à une étude sur leur impact environnemental. Or en avril 2014, la Commission avait adressé une mise en demeure à la France pour manquement à cette obligation, estimant que les évaluations étaient trop fragmentées.
L'Autorité environnementale, instance ministérielle, a été saisie. Mais Paris n'a toujours pas répondu à ce jour à la mise en demeure, même si un document est en préparation.
Le dossier Notre-Dame-des-Landes s'annonce comme l'un des sujets épineux de la fin du quinquennat de François Hollande.
Manuel Valls, qui a quitté Matignon mardi pour se lancer dans la course à l'élection présidentielle, a dit mi-novembre que les travaux de construction commenceraient "dès que possible" après le rejet d'un recours. [nL8N1DG5D2]
"La déclaration d'utilité publique expire en janvier 2018. Donc il y a un peu de temps et il faut que les choses puissent avancer", a-t-il dit vendredi sur BFM TV et RMC, rappelant que le dossier était désormais entre les mains de son successeur.
Une première tentative d'évacuation du site avait échoué en 2012. Début octobre, plusieurs milliers d'opposants au projet ont manifesté pour sauver la ZAD, la "zone d'aménagement différée", qu'ils ont rebaptisée "zone à défendre".
(Guillaume Frouin, avec Elizabeth Pineau et Gérard Bon à Paris, Clément Rossignol à Bruxelles, édité par Yves Clarisse)