par Julien Ponthus et Lefteris Papadimas
PARIS/ATHÈNES (Reuters) - Au lendemain de la victoire du "non" au référendum grec, la démission du ministre des Finances Yanis Varoufakis a ravivé lundi l'espoir d'une reprise des négociations entre Athènes et ses créanciers et face à cette nouvelle donne, Paris et Berlin ont fait cause commune en attendant les propositions du Premier ministre grec, Alexis Tsipras.
"La porte est ouverte aux discussions et il revient maintenant au gouvernement d'Alexis Tsipras de faire des propositions sérieuses, crédibles, pour que (sa) volonté de rester dans la zone euro puisse se traduire", a dit le président François Hollande après un entretien avec la chancelière Angela Merkel à Paris.
L'un et l'autre ont souligné l'urgence de la situation, alors que la Grèce est censée rembourser le 20 juillet 3,5 milliards d'euros à la Banque centrale européenne (BCE).
L'heure est aussi à la bonne volonté affichée du côté du Fonds monétaire international. "Le FMI a pris acte du référendum qui s'est tenu hier en Grèce", a déclaré sa directrice générale, Christine Lagarde, citée dans un communiqué. "Nous suivons de près la situation et sommes prêts à assister la Grèce si la demande nous en est faite."
Un porte-parole du FMI a dit par ailleurs que Christine Lagarde s'était entretenue avec Alexis Tsipras de l'issue du référendum et des derniers événements en Grèce et lui avait expliqué la position de l'organisation. "La directrice générale a expliqué l'incapacité du fonds à débourser suivant sa politique des arriérés", a dit le porte-parole, faisant apparemment référence au défaut de la Grèce sur une échéance du FMI le mois dernier.
Un haut fonctionnaire d'Athènes a dit qu'Alexis Tsipras s'était aussi entretenu avec le président de la BCE, Mario Draghi, pour lui dire qu'il fallait très vite lever le contrôle des capitaux en Grèce.
Dans l'immédiat, la BCE a reconduit en l'état le mécanisme de fourniture de liquidité d'urgence (ELA) aux banques grecques, moyennant toutefois un relèvement de la décote sur certaines garanties présentées par ces dernières.
"La hausse de la décote sur une partie de l'ensemble des garanties est de 10% environ (...), mais cela ne crée aucun problème pour quelque banque que ce soit", a expliqué une source bancaire grecque.
La BCE a ajouté que le Conseil des gouverneurs était "résolu à employer tous les instruments disponibles dans le cadre de son mandat". Ce statu quo est toutefois une pression supplémentaire pour Alexis Tsipras à la veille d'une nouvelle réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles, mardi à 13h00.
STATU QUO = IMPASSE
Pour sa part, Yanis Varoufakis, dont l'attitude et le discours lui valaient l'inimitié de bon nombre de ses homologues de la zone euro, a expliqué avoir été informé d'une "certaine préférence" de plusieurs membres de la zone euro pour son "absence" aux réunions ministérielles. "J'estime qu'il est de mon devoir d'aider Alexis Tsipras à exploiter, comme il le jugera adéquat, le capital que le peuple grec nous a accordé lors du référendum d'hier", a-t-il écrit sur son blog personnel. "Et j'assumerai avec fierté le mépris des créanciers."
Sans surprise, c'est Euclide Tsakalatos, actuel coordonnateur des négociations avec les créanciers, qui a été choisi pour lui succéder. Il rejoindra ses homologues de la zone euro mardi, quelques heures avant un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du bloc.
Si certains observateurs et dirigeants politiques européens voient dans la victoire à plus de 61% du "non" dimanche une étape vers la sortie de la Grèce de la zone euro, d'autres espèrent que le gouvernement grec et ses créanciers reprendront rapidement les pourparlers. Les 18 partenaires de la Grèce attendent d'elle de nouvelles propositions mardi, a ainsi déclaré le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem.
Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a été plus direct : "Si les choses restent en l'état, nous sommes dans l'impasse. Il n'y pas d'autre choix. Ils doivent être prêts à accepter de profondes réformes".
En l'absence de telles réformes, a poursuivi le chef du gouvernement, les Pays-Bas ne sont pas prêts à contribuer davantage au sauvetage des comptes publics d'Athènes.
AIDE "HUMANITAIRE"
Les banques grecques, fermées lundi pour le huitième jour consécutif, le resteront mardi et mercredi, a annoncé le président de la fédération bancaire nationale. Le plafond des retraits quotidiens reste quant à lui fixé à 60 euros.
Au-delà de l'apport de liquidités aux banques, la BCE aurait son mot à dire sur d'éventuelles discussions incluant la question d'une restructuration de la dette grecque. Or, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, qui siège au Conseil des gouverneurs à Francfort, a rappelé que les traités européens interdisaient à la BCE de restructurer la dette d'un Etat.
Une restructuration de la dette, que le gouvernement Tsipras souhaite inclure dans de futures discussions avec les créanciers, comporte aussi des risques politiques.
L'Allemagne, premier créancier de la Grèce, dit attendre que celle-ci clarifie sa position mais prévient que, de son point de vue, la question d'une réduction de dette n'est pas à l'ordre du jour. Plus largement, a jugé le vice-chancelier Sigmar Gabriel, Athènes doit désormais convaincre de sa bonne volonté.
"Si la Grèce veut rester dans la zone euro, son gouvernement doit rapidement formuler des propositions conséquentes, qui aillent au-delà de ce à quoi il s'est dit prêt jusque-là", a déclaré le dirigeant social-démocrate. "Pour la population grecque, la vie va devenir encore plus difficile dans les jours et les semaines à venir. L'insolvabilité définitive du pays est désormais un risque imminent", a-t-il ajouté, évoquant la possibilité d'une aide "humanitaire" à Athènes.
Sur les marchés financiers, l'impact du résultat du référendum a été amorti par la démission de Yanis Varoufakis et l'espoir d'une reprise des pourparlers.
Les grandes places Boursières européennes ont certes fini dans le rouge mais leur recul a été moins marqué qu'anticipé en tout début de journée. L'indice paneuropéen FTSEurofirst 300 a abandonné 1,21%, Francfort 1,52% et Paris 2,01%. L'euro, lui, se maintenait en fin de journée autour de 1,1070 dollar après un plus bas à 1,0970 en début de journée en Asie.
Le constat est identique à Wall Street, qui a également terminé en baisse mais là encore avec des pertes réduites.
(avec Yann Le Guernigou à Paris et les bureaux européens de Reuters, Marc Angrand et Wilfrid Exbrayat pour le service français)