CALAIS, Pas-de-Calais (Reuters) - Londres consacrera dix millions d'euros sur deux ans pour améliorer la situation humanitaire à Calais, où quelque 3.000 migrants cherchent à rejoindre les côtes anglaises, selon un accord franco-britannique signé jeudi.
Un précédent accord datant de septembre 2014 comprenait un premier engagement financier britannique de 15 millions d'euros pour la sécurisation du port, et dix autres millions avaient été débloqués le 2 août dernier pour la sécurisation du tunnel.
"Ce sont donc déjà 35 millions d'euros que le Royaume-Uni a apporté", a déclaré jeudi le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, lors d'un point presse.
Paris et Londres ont assuré au cours de l'été qu'ils faisaient du règlement de la crise des migrants "leur priorité absolue" après une série de tentatives d'intrusions massives via le tunnel sous la Manche.
Les mesures de sécurisation déjà mises en place ont permis de diviser par dix les intrusions de migrants dans le tunnel sous la Manche depuis fin juillet, selon Bernard Cazeneuve.
Le plan franco-britannique signé jeudi par le ministre français et son homologue britannique Theresa May détaille un ensemble de mesures sécuritaires - financées par les 10 millions annoncés début août par Londres- mais aussi humanitaires.
Il prévoit notamment le déploiement d'équipes supplémentaires de fouille du fret, des inspections de sécurité chaque semestre, l'installation de clôtures, de caméras de surveillance et le recrutement d'agents de sécurité supplémentaires chez Eurotunnel.
Un centre de commandement et de contrôle réunissant des agents français et britanniques sera également mis en place à Coquelles (Pas-de-Calais), où se situe l'entrée du tunnel, afin de mieux lutter contre les filières de passeurs, et une équipe franco-britannique sera créée dans la région pour éloigner les migrants illégaux.
Dix-neuf filières opérant vers le Royaume-Uni ont été démantelées sur les sept premiers mois de 2015, contre 14 en 2014, et 514 trafiquants ont été interpellés depuis janvier, soit 18% de plus que sur la même période en 2014, a indiqué Bernard Cazeneuve.
Sur le plan humanitaire, cet accord vise à accentuer la protection des femmes et des enfants les plus vulnérables via une campagne d'information notamment, et prévoit le financement anglais de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile.
CALAIS, SYMPTÔME D'UN MOUVEMENT PLUS LARGE
Plus de 900 personnes ont demandé la protection en France et "ont pu quitter Calais dans de bonnes conditions", selon Bernard Cazeneuve, qui a précisé avoir demandé une contribution financière de la Commission européenne en matière de logement.
Le Premier ministre, Manuel Valls, se rendra à Calais le 31 août prochain en compagnie de son ministre de l'Intérieur et de deux commissaires européens spécialisés.
D'après le Haut Commissariat de l'Onu pour les Réfugiés (HCR), quelque 3.000 réfugiés et migrants vivent actuellement "dans des conditions déplorables" à Calais et dans le Pas-de-Calais.
"La solution à cette crise ne saurait résider dans des initiatives nationales désordonnées, mais au contraire dans la coopération entre les Etats européens concernés", a souligné jeudi Bernard Cazeneuve.
Le ministre est attendu dans l'après-midi à Berlin où il doit rencontrer son homologue allemand. Puis François Hollande abordera à son tour cette question lundi prochain dans la capitale allemande avec la chancelière Angela Merkel.
L'accord franco-britannique a été accueilli avec prudence par les associations, qui ont salué la prise en compte de l'aspect humanitaire tout en rappelant la complexité du problème.
"Evidemment nous prenons l'ensemble de ces mesures mais il ne faut pas penser que ce nouvel accord va régler la question migratoire", a ainsi déclaré sur France Info Pierre Henry, directeur de France terre d'asile.
Pour António Guterres, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, "Calais ne reste (...) que le symptôme d'un mouvement plus large de réfugiés et de migration".
"Le Haut commissariat pour les réfugiés espère que des décisions fermes seront prises dans la mise en oeuvre de l'agenda européen sur la migration et dans la mise en place d'une collaboration internationale efficace, y compris avec les pays d'origine, de premier asile et de transit", écrit-il dans un communiqué.
Un sommet sur les migrations entre l'Union européenne et l'Afrique doit se tenir à La Valette (Malte) en novembre prochain.
(Johnny Cotton à Calais et Chine Labbé à Paris, avec Laurence Frost, Marine Pennetier et Henri-Pierre André à Paris, édité par Elizabeth Pineau)