Investing.com - Après deux séances d’euphorie déclenchées par l’accord tarifaire sino-américain, Wall Street a brusquement changé d’humeur ce jeudi. Dès l’ouverture, le Dow Jones Industrial Average cédait une centaine de points, entraîné par un faisceau de données macroéconomiques décevantes qui raniment le spectre d’un net ralentissement de l’économie. Le reflux de l’indice emblématique, accompagné d’un léger tassement du S&P 500 et d’un recul du Nasdaq, n’efface pas pour autant l’avance accumulée depuis le début de semaine : la perspective d’un conflit commercial moins aigu continue de soutenir le sentiment général, mais les traders se confrontent à la réalité chiffrée d’une demande intérieure qui fléchit.
Le premier signal d’alerte est venu du commerce de détail : les ventes se sont contractées de 1 % en avril, soit deux fois plus que ne le craignaient les économistes. Après l’envolée de mars – due à des achats de précaution avant l’entrée en vigueur des surtaxes –, la consommation semble marquer le pas dans un contexte de pouvoir d’achat fragilisé.
En parallèle, l’indice des prix à la production a affiché son plus fort repli mensuel depuis 2023, en baisse de 0,5 %. Hors composantes volatiles, le « core PPI » recule également. Les marchés auraient pu saluer ce reflux de la pression inflationniste, mais la concomitance d’un coup d’arrêt de la demande et d’une désinflation rapide nourrit davantage l’idée d’un ralentissement que celle d’un atterrissage en douceur. La Fed n’a pas encore tranché : Jerome Powell doit s’exprimer cet après-midi et pourrait tempérer l’enthousiasme suscité par la trêve commerciale, rappelant que le chemin vers la stabilité des prix reste semé d’embûches.
Sur le terrain microéconomique, le distributeur Walmart (NYSE:WMT) a livré un message contrasté : bénéfices supérieurs aux attentes, mais avertissement sur l’effet futur des droits de douane sur ses prix de vente. Le géant reste pourtant l’un des rares indicateurs avancés d’une consommation qui, pour l’instant, résiste mieux dans le segment de l’alimentaire que dans celui des biens durables. À l’opposé, Alibaba (NYSE:BABA) a publié des résultats inférieurs aux prévisions, reflet du ralentissement chinois qui continue de peser sur ses marges. Cisco (NASDAQ:CSCO), en revanche, relève ses anticipations annuelles, profitant toujours de la modernisation des réseaux tirée par l’essor de l’intelligence artificielle.
L’actualité réglementaire n’est pas en reste : UnitedHealth, déjà sous pression après la dégringolade de son titre depuis le début de l’année, a été rattrapée par l’annonce d’une enquête pénale du Département de la Justice. L’assureur, confronté à une flambée des coûts de santé et à la méfiance du régulateur, voit son action plonger à nouveau, signe que les grands noms défensifs ne sont pas à l’abri des aléas politiques.
Au chapitre géopolitique, le marché pétrolier accentue la correction entamée hier. Les rumeurs d’un projet d’accord nucléaire entre Washington et Téhéran, confirmées puis nuancées par des responsables iraniens, ont fait reculer le Brent aux alentours de 64 dollars le baril ; la perspective d’un retour significatif du brut iranien, conjuguée à une hausse inattendue des stocks américains, pèse sur les majors et, plus largement, sur le compartiment énergie du Dow.
Dans le même temps, la Maison-Blanche multiplie les pistes diplomatiques : après la paix négociée entre l’Inde et le Pakistan et la trêve tarifaire avec Pékin, des sources proches de l’exécutif évoquent des accords imminents avec Tokyo et Séoul. L’Union européenne, en revanche, campe sur une ligne plus dure : Bruxelles juge inacceptable la « taxe plancher » de 10 %, condition posée par Washington pour toute négociation. La suite des discussions dira si cet obstacle est franchissable ou s’il annonce un nouvel épisode de tension.
Malgré la correction du jour, le Dow Jones conserve pour l’instant une avance hebdomadaire, preuve que la dynamique enclenchée par la détente sino-américaine n’est pas totalement remise en cause. Mais l’addition d’indicateurs faibles, la volatilité du prix du pétrole et l’incertitude réglementaire dans le secteur de la santé rappellent combien la trajectoire reste fragile.
Les investisseurs attendent désormais la prise de parole de Jerome Powell : des propos jugés conciliants, promettant un soutien monétaire à l’économie si la désinflation se confirmait, pourraient préserver le rebond. À l’inverse, un commentaire insistant davantage sur le risque d’inflation résiduelle et la nécessité d’une pause prolongée pourrait raviver la nervosité. D’ici là, les opérateurs devraient rester prudents, alternant prises de bénéfices et paris sélectifs sur les dossiers les mieux armés pour traverser une période de transition qui, malgré le soulagement tarifaire, demeure semée d’incertitudes.