Investing.com - La Bourse de New York tente de se stabiliser au lendemain d’une séance d’une rare violence, où la remontée fulgurante des rendements à dix ans avait déclenché une chute de plus de 800 points du Dow Jones. Jeudi à l’ouverture, l’indice industriel glissait encore légèrement, mais l’atmosphère paraissait moins crispée : la courbe des Treasuries se détendait un peu et les acheteurs revenaient prudemment sur les valeurs de croissance, permettant au Nasdaq de reprendre une poignée de points.
Le choc de la veille reste pourtant dans tous les esprits. La flambée des taux s’est nourrie d’un cocktail explosif : la dégradation par Moody’s de la note souveraine, déjà actée la semaine précédente, et la prise de conscience soudaine qu’un nouveau paquet budgétaire pourrait grever davantage une dette publique de 36 200 milliards de dollars.
Après de longues tractations, la Chambre des représentants a fini par adopter le texte voulu par Donald Trump à une voix près : les réductions d’impôts de 2017 seraient prolongées et même accentuées, tandis que les dépenses militaires et les crédits affectés à la sécurité des frontières seraient encore gonflés. Pour équilibrer, le projet prévoit des coupes dans plusieurs programmes sociaux, mais les analystes indépendants estiment que l’ensemble alourdirait la dette de 3 000 à 5 000 milliards sur dix ans. Une fois voté, le texte part au Sénat où plusieurs républicains modérés promettent de le retoucher ; le suspense devrait durer tout l’été.
Dans ce contexte budgétaire tendu, le marché scrute avec anxiété les indicateurs macroéconomiques. Les nouvelles demandes d’allocations chômage ont légèrement reculé, signalant que le marché du travail tient bon malgré le ralentissement. Mais les enquêtes PMI flash attendues dans la journée pourraient révéler la première contraction de la production manufacturière depuis la trêve tarifaire : les commandes, perturbées par les allers-retours douaniers, restent hésitantes. Les économistes anticipent un indice usine juste sous 50 et un léger sursaut des services, évolution cohérente avec une croissance molle mais non récessive.
C’est précisément ce scénario qu’espère la Réserve fédérale pour justifier le statu quo monétaire : un ralentissement suffisant pour apaiser l’inflation, mais pas assez prononcé pour imposer des baisses de taux rapides. Les marchés en attendent toujours deux d’ici décembre ; un dérapage durable des rendements pourrait cependant compliquer ce calendrier.
Sur le front commercial, la Maison-Blanche cherche à capitaliser sur l’accord de Genève conclu avec la Chine. Des pourparlers bilatéraux doivent s’ouvrir avec le Japon, mais le Trésor américain a déjà prévenu qu’il n’y aurait pas d’annonce lors du G7 Finances au Canada. Pékin, de son côté, accuse Washington de saboter la détente naissante en interdisant implicitement les puces Huawei dans certains équipements, rappelant la fragilité de la trêve.
La micro-actualité offre quelques respirations. Snowflake s’envole : l’éditeur d’entrepôts de données relève sa prévision de chiffre d’affaires produits pour 2026, misant sur la ruée des entreprises vers l’intelligence artificielle. Urban Outfitters confirme, trimestre après trimestre, sa capacité à séduire les clients via ses marques Free People ou Anthropologie ; son titre bondit. Analog Devices profite de la bonne tenue de la demande automobile et industrielle, tandis que Nike (NYSE:NKE), porté par son retour sur la place de marché d’Amazon (NASDAQ:AMZN), annonce des hausses de prix sélectives dès la semaine prochaine.
À l’inverse, Target déçoit lourdement : la fréquentation recule, le panier moyen s’allège, reflet d’un consommateur plus prudent face à l’inflation persistante et aux incertitudes fiscales. Le géant du discount rejoint Walmart (NYSE:WMT), qui avait déjà dit son incapacité à absorber totalement les surcoûts douaniers. Ces mises en garde rappellent que le pouvoir d’achat reste la variable clé : si la réforme de Trump venait à réduire les prestations sociales, l’impact sur la consommation pourrait se révéler bien plus négatif que le surcroît d’activité espéré via la baisse des impôts.
Dans l’ensemble, le Dow Jones oscille entre l’espoir d’une reprise portée par l’intelligence artificielle, la crainte d’un durcissement financier alimenté par le déficit, et l’incertitude sur la trajectoire commerciale. Tant que le Sénat n’aura pas tranché le sort du plan Trump, et que la Fed ne donnera pas plus de visibilité, les marchés resteront extrêmement sensibles aux moindres inflexions de taux ou de discours politiques. Pour l’heure, la séance démontre surtout la volonté des opérateurs de calmer le jeu après l’averse obligataire ; mais l’équilibre demeure précaire, suspendu au vote budgétaire et à la prochaine salve d’indicateurs d’activité.