Investing.com - Wall Street a ouvert en repli ce lundi, l’ensemble des indices effaçant une partie des gains engrangés vendredi dans le sillage d’un rapport sur l’emploi robuste. Peu après la cloche, le Dow Jones cédait un peu plus de deux cents points, soit environ un demi‑pour cent, tandis que le S&P 500 reculait d’un peu moins d’un pour cent et que le Nasdaq, plus sensible aux grandes capitalisations technologiques, abandonnait près de 0,8 %. Cette tonalité prudente reflète un début de semaine chargé : les opérateurs doivent digérer un flux ininterrompu de déclarations contradictoires sur la guerre commerciale sino‑américaine, une salve de résultats trimestriels et, dans quelques jours, les décisions de politique monétaire de la Fed et de la Banque d’Angleterre.
Sur le front macroéconomique, l’activité dans les services se révèle finalement plus dynamique qu’espéré. L’indice ISM d’avril, publié en milieu de séance, ressort à 51,6, quand le consensus visait 50,2, après 50,8 en mars. Ce chiffre, au‑dessus du seuil des 50 points qui marque la frontière entre expansion et contraction, atteste d’une certaine résilience du secteur tertiaire, moteur historique de la croissance américaine. Pourtant, ce sursaut contraste avec la contraction du PIB enregistrée au premier trimestre : la forte poussée des importations, liée à la volonté des entreprises de constituer des stocks avant l’application des nouveaux droits de douane, a cassé la dynamique interne. Pour l’instant, le marché de l’emploi tient encore bon – la création de 177 000 postes en avril a dépassé les attentes – mais l’incertitude tarifaire et la perspective de coûts de production plus élevés alimentent les craintes d’un ralentissement plus marqué au deuxième semestre.
Le climat reste d’autant plus volatil que Pékin souffle le chaud et le froid : la Chine a fait savoir qu’elle « envisageait » de discuter des surtaxes américaines de 145 %, tout en maintenant ses propres représailles à 125 % sur de nombreux produits. La Maison‑Blanche y voit un signe d’ouverture, mais aucun calendrier n’a filtré. Simultanément, Donald Trump a annoncé, dans un mouvement inattendu, une taxe de 100 % sur les films tournés hors des États‑Unis. La mesure vise officiellement à soutenir l’industrie cinématographique domestique, mais elle a aussitôt fait plier les actions de plusieurs géants du divertissement, Netflix (NASDAQ:NFLX), Disney et Warner Bros Discovery en tête, le marché redoutant que les studios réduisent leurs productions internationales ou en répercutent le surcoût vers les consommateurs.
En parallèle, les grands groupes publient leurs résultats à un rythme soutenu. Les investisseurs se préparent à scruter cette semaine les comptes de Ford (NYSE:F), AMD (NASDAQ:AMD), Walt Disney, ConocoPhillips (NYSE:COP) ou encore Coinbase (NASDAQ:COIN), guettant les moindres signaux d’impact des tarifs sur les marges. L’annonce, dimanche, d’une hausse coordonnée de la production de pétrole par l’OPEP+ – un relèvement de quelque 411 000 barils par jour à partir de juin – a pesé sur les valeurs énergétiques. Les cours du Brent et du WTI ont glissé d’un peu plus d’un pour cent, ce qui a entraîné un léger recul pour Exxon Mobil, Chevron (NYSE:CVX) et Phillips 66. Pour les pétrolières, cette décision augure d’un équilibre plus fragile entre soutien des prix et crainte d’excès d’offre, surtout si la croissance mondiale devait faiblir davantage sous l’effet du conflit commercial.
Par ailleurs, Berkshire Hathaway a fait état d’un recul de 14 % de son résultat opérationnel, pénalisé par le coût des incendies en Californie. L’empire de Warren Buffett, considéré comme un baromètre de la santé économique américaine, montre ainsi les premiers dommages collatéraux d’une fréquence accrue de sinistres climatiques sur le secteur de l’assurance. Cette contre‑performance vient rappeler que la conjoncture ne s’évalue pas uniquement à travers la politique commerciale ou monétaire, mais aussi à l’aune de risques exogènes croissants.
Dans cet environnement contrasté, la Réserve fédérale tiendra mercredi une réunion décisive. Les cambistes, qui tablaient encore voici quinze jours sur une baisse de taux dès juin, ont revu leurs positions : les solides chiffres de l’emploi et l’ISM services laissent la Fed temporiser, d’autant que la trajectoire de l’inflation reste incertaine, prise en étau entre la pression haussière des tarifs et la décélération de la demande intérieure. Les investisseurs chercheront donc, au‑delà du statu quo largement anticipé sur les fed funds, toute indication sur un possible assouplissement plus tard dans l’année.
En attendant, le Dow Jones reste en terrain négatif, reflétant la prudence face à une accumulation de risques – ralentissement de la croissance, tension commerciale, fragilité des bénéfices. Mais la séance est loin d’être jouée : au moindre signe d’apaisement entre Washington et Pékin, ou si les publications d’entreprises surprenaient agréablement, un rebond n’est pas à exclure. Les marchés américains évoluent désormais au rythme des tweetstorms présidentiels, tout autant qu’au gré des chiffres macroéconomiques et des annonces de résultats ; la nervosité devrait donc rester la norme jusqu’à ce que se dessine une trajectoire plus claire pour la politique tarifaire et monétaire des États‑Unis.