Investing.com - Wall Street a rouvert sur un air de gueule de bois. À peine digérée la semaine euphorique déclenchée par la trêve commerciale américano-chinoise, la perspective d’une nouvelle flambée tarifaire a projeté les indices dans le rouge. Le Dow Jones plonge d’abord de plus de quatre cents points, entraîné par la rechute d’Apple (NASDAQ:AAPL) et des valeurs industrielles exposées au Vieux Continent.
La secousse intervient après que Donald Trump, sur Truth Social, a réclamé l’instauration immédiate d’un droit de douane uniforme de 50 % sur l’ensemble des importations européennes, dénonçant « une Union créée pour profiter des États-Unis ». Dans le même message, le président a ciblé Apple, sommant le groupe de produire ses iPhone sur le sol américain sous peine d’un prélèvement d’au moins 25 % à l’entrée. L’action Apple, déjà fragilisée par la dégradation de la note souveraine américaine la semaine passée, décroche brutalement et entraîne le Nasdaq, tandis que les grands fabricants de composants chutent par solidarité.
Le regain de tension commerciale se superpose aux craintes budgétaires nourries par le vote nocturne de la Chambre des représentants. Adopté d’une courte tête, le plan de baisses d’impôts et de hausses de dépenses cher au président repart au Sénat ; le Bureau du budget du Congrès estime qu’il gonflera la dette fédérale de près de 3 800 milliards de dollars sur dix ans, alors même que Moody’s vient d’abaisser la notation des Treasuries. Les rendements à dix ans, qui avaient déjà flirté avec 4,6 % mercredi, reprennent l’ascension et aggravent la correction boursière.
À Bruxelles, la réaction à l’offensive américaine oscille entre fermeté et prudence. La Commission rappelle disposer de contre-mesures prêtes depuis l’annonce des premiers tarifs automobiles ; mais, soucieuse de protéger ses exportateurs, elle confirmait dans la matinée un entretien de crise entre Maroš Šefčovič et le représentant américain Jamieson Greer. Washington demande à « accélérer » les discussions, affirme le Trésor, mais refuse toujours d’envisager la suppression du plancher tarifaire de 10 % posé en avril. Pour l’heure, l’Europe suspend l’application de ses propres surtaxes, consciente que toute escalade ruinerait la trêve naissante avec Pékin et pèserait sur une conjoncture déjà faiblissante.
Les signaux macroéconomiques confirment d’ailleurs la fragilité de l’activité. Les inscriptions hebdomadaires au chômage reculent légèrement, mais les indices d’affaires flash attendus en fin de matinée promettent un nouveau tassement de la production, reflet de chaînes d’approvisionnement déstabilisées par les allers-retours douaniers. Christopher Waller, gouverneur de la Réserve fédérale, assurait jeudi qu’un assouplissement monétaire restait possible « si les tarifs retombaient autour de 10 % d’ici juillet » ; la sortie présidentielle réduit cette hypothèse à peau de chagrin.
Dans cet environnement volatil, les publications d’entreprises servent de baromètre à la consommation. Ross Stores et Deckers plongent, victimes d’avertissements sur résultats imputés à la désaffection des ménages et à l’envolée des coûts d’importation. À l’inverse, Intuit (NASDAQ:INTU) bondit : la saison fiscale, dopée par ses logiciels TurboTax et QuickBooks, lui permet de relever ses objectifs annuels, preuve qu’un segment de la demande reste résilient. Mais la star de la séance est Snowflake, portée par un relèvement ambitieux de ses prévisions de chiffre d’affaires produits ; le marché salue l’appétit intact des grands groupes pour les solutions d’analyse de données et d’intelligence artificielle, même en période d’incertitude.
Sur le front géopolitique, la surprise vient d’Europe : selon JATO Dynamics, le chinois BYD a dépassé Tesla (NASDAQ:TSLA) sur le marché des véhicules électriques en avril, malgré les surtaxes imposées aux constructeurs asiatiques. L’information renforce la conviction de certains investisseurs que la guerre commerciale pourrait accélérer le basculement technologique au profit de la Chine, au détriment des marques américaines.
Dans la matinée new-yorkaise, le Dow Jones limite ses pertes mais reste nettement négatif, le S&P 500 recule d’environ 1 % et le Nasdaq, lesté par les méga-caps technologiques, abandonne près d’un et demi pour cent. L’évolution dépendra désormais du compte-rendu – ou des fuites – de la conférence téléphonique prévue entre Washington et Bruxelles, et de la capacité du Sénat à retoucher le projet fiscal pour rassurer les marchés obligataires. D’ici là, la volatilité devrait demeurer élevée, chaque tweet présidentiel suffisant à faire varier de plusieurs centaines de points l’indice emblématique de Wall Street.
Nouvelle opportunité pour les investisseurs ?
À court terme, la prudence reste de mise. Les annonces de Donald Trump sont encore fraîches, les marchés n’ont pas encore digéré pleinement l’impact potentiel de cette reprise des tensions commerciales. Il est donc trop tôt pour parler d’un point d’entrée idéal.
Mais pour les investisseurs de long terme, un repli prolongé des marchés pourrait bien représenter une opportunité. Les périodes d’incertitude sont souvent celles où se cachent les meilleures affaires — à condition de savoir où chercher. Comme nous l’avons expérimenté très récemment lors des premières annonces de tarifs douaniers de Trump.
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