Les marchés atteignent des sommets, mais juillet pourrait réserver des surprises
Investing.com - La fragile confiance qui portait encore Wall Street la veille a brutalement cédé place à la nervosité, après l’annonce, dans la nuit de jeudi à vendredi, de frappes menées par Israël contre des cibles iraniennes présumées liées au programme nucléaire. Le contrat futures sur le Dow Jones a trébuché d’un peu plus de 1,1 %, entraîné dans son sillage par un S&P 500 et un Nasdaq 100 eux-mêmes en net repli. L’indice de volatilité VIX franchissait le seuil symbolique des 20, signe d’une demande accrue de protection.
Dans un contexte où les opérateurs tablaient plutôt sur le prolongement du rebond de mai – nourri par un fléchissement de l’inflation américaine et la confirmation d’un accord commercial sino-américain –, l’embrasement soudain du front moyen-oriental a balayé les velléités d’achat risqué. L’or a bondi, le dollar s’est raffermi et les rendements obligataires ont glissé, reflétant la ruée vers les actifs refuge. Sur le marché pétrolier, le Brent a pris jusqu’à 10 % en quelques heures avant de réduire son avance, suivi de près par le WTI : les investisseurs craignent qu’une escalade durable, assortie de menaces iraniennes contre les infrastructures régionales, fasse resurgir une prime de risque énergétique comparable à celle de 2022.
La Maison-Blanche, rapidement sollicitée, s’est empressée de nier toute participation à l’opération israélienne, mais a prévenu Téhéran qu’une riposte visant des intérêts américains serait “prise très au sérieux”. Sur le plan intérieur, l’administration Trump doit déjà composer avec l’inquiétude suscitée par ses projets de hausse unilatérale des tarifs douaniers : après avoir menacé l’Union européenne de droits de 50 %, le président a réaffirmé, jeudi, son intention d’adresser sous une dizaine de jours des “lettres d’injonction” à ses autres partenaires commerciaux. Un retour offensif à la rhétorique protectionniste qui assombrit la perspective, pourtant naissante, d’un prolongement de la trêve tarifaire au-delà du 9 juillet.
Si la statistique de la veille – un indice des prix à la production en léger repli – avait ravivé l’idée que la Fed pourrait amorcer dès l’automne un assouplissement monétaire, le choc géopolitique brouille à nouveau la visibilité. Les marchés monétaires, qui n’escomptaient plus qu’une ou deux baisses de taux cette année, réévaluent désormais la probabilité d’un statu quo prolongé : l’institution de Jerome Powell devra arbitrer entre le ralentissement manifeste du cycle (PIB du premier trimestre revu à -0,2 %) et la menace d’un choc pétrolier susceptible de réveiller les anticipations d’inflation.
Dans ce climat tendu, les valeurs de défense ont logiquement tiré leur épingle du jeu : Lockheed Martin, RTX et Northrop Grumman, déjà recherchées dans les échanges de pré-ouverture, ont rapidement inscrit des gains à deux chiffres. A contrario, les grandes capitalisations technologiques – fortement pondérées dans le Nasdaq – ont subi des prises de bénéfices, malgré la bonne surprise délivrée par Nvidia (NASDAQ:NVDA) la veille. L’annonce, par le géant des semi-conducteurs, d’un résultat trimestriel record n’aura donc pas suffi à enrayer le retour de l’aversion au risque ; de même, la publication d’une inflation toujours contenue n’a pas détendu durablement les esprits.
En attendant la première estimation de la confiance des ménages du Michigan, prévue en début d’après-midi, les traders restent suspendus aux moindres bruits en provenance du Moyen-Orient : Téhéran a déjà lancé une centaine de drones vers Israël, prélude possible à des frappes plus lourdes, tandis que le gouvernement Netanyahou affirme vouloir “poursuivre l’opération aussi longtemps que nécessaire”. Chaque nouveau communiqué façonne, minute après minute, une séance où la géopolitique relègue au second plan les débats sur les tarifs, la croissance ou la politique monétaire.
Dans ces conditions, la perspective d’un troisième mois consécutif de hausse pour le Dow Jones s’éloigne. Les stratégistes soulignent toutefois qu’une décrue rapide des tensions – hypothèse loin d’être acquise – pourrait relancer le schéma du début d’année : inflation contenue, Fed patiente, bénéfices des entreprises toujours solides. Mais, pour l’heure, la prudence domine : la séance du jour rappelle que, sur les marchés boursiers, la géographie des risques peut se redessiner en une nuit.