Toujours aussi difficile de résumer des semaines qui, décidément, du côté des analystes, peinent à déterminer si oui ou non les rendements sont suffisants ou les valorisations des actions sont encore attractives… Mais forts de leur optimisme de la fin 2019, les marchés poursuivent quotidiennement leur hausse… Sur l’obligataire, le marché primaire continue d’attirer les foules avec des émetteurs parfois relativement risqués comme Monte Paschi qui, pour rappel, a déjà appauvri quelques créanciers par le passé, mais quelques points de base de rendement complémentaires ont actuellement souvent raison de la mémoire…
Si, côté marchés, nous préférons continuer d’avoir un positionnement sensiblement plus prudent que les indices avec une portion de trésorerie significative, un échéancier relativement court et des investissements concentrés sur le segment BBB non cyclique et le segment des titres très décotés, nous noterons que les émetteurs obligataires, eux, commencent leur année assez activement, montrant ainsi parfois des signaux clairs de la tendance à moyen terme.En Italie, si on avait pu lire deci delà que la situation s’était à peu près normalisée et que le risque politique avait significativement décru justifiant par conséquent des primes de risque pour les obligations d’Etat et corporates en important reflux, on se rend compte cette semaine que rien n’est plus incertain, comme nous le montrent deux exemples :
- La crise Atlantia : rappelons ici qu’Atlantia est le concessionnaire autoroutier responsable de l’effondrement du pont de Gênes. Alors que le ton s’était plus ou moins calmé entre les politiques et les dirigeants de l’entreprise, que les médias avaient mis l’affaire de côté et que la justice ne s’en était pas encore emparée, les obligations s’étaient fortement renchéries depuis quelques mois… Effectivement, elles bénéficiaient d’une bonne notation et d’une prime de rendement qui s’expliquait de manière évidente… Bon nombre d’investisseurs s’étaient ainsi laissés tenter, oubliant trop vite la catastrophe et ses implications, ainsi que la nature même du gouvernement italien malgré le départ de Monsieur Salvini… Or, cette semaine, les agences ont dégradé les notations de l’entreprise en catégorie spéculative à la suite de l’approbation par le gouvernement italien de la loi Milleproroghe le 30 décembre dernier et qui devrait l’être également par le Parlement dans les jours à venir… Cette loi permet au gouvernement italien de changer les termes des contrats de concession de façon rétroactive et unilatérale. Une fois adopté par le parlement, le décret prévoit que la compensation versée au concessionnaire, en cas de révocation de sa concession, sera calculée sur la base non plus des cash-flows attendus sur la période totale de la concession mais des investissements réalisés à ce jour, nets des amortissements déjà effectués. Ainsi, l’indemnité versée à Atlantia pour une révocation de la concession par l’Etat Italien ne serait plus de 25mds€ comme anticipé il y a quelques mois, mais de seulement 10 à 12mds€, mettant l’entreprise dans une situation bilantielle délicate en cas de suppression de la concession. De manière générale, attention aux Etats en difficulté qui peuvent changer les règles à tout moment comme l’avait fait la Grèce en son temps pour ses obligations souveraines ; attention donc aussi aux émetteurs obligataires dont l’activité est trop liée au risque politique et qui manquent de diversification géographique, de latitude financière ou d’atouts technologiques ou compétitifs majeurs pour négocier correctement avec un donneur d’ordres qui détient les clés juridiques, judiciaires et légales… Si nous avions évité soigneusement Atlantia depuis la catastrophe de Gênes, nous considérons que certaines filiales de Atlantia, en particulier à l’étranger comme Abertis en Espagne, ou Sanef et Hit Finance en France peuvent être des opportunités car elles restent autonomes en termes de qualité de crédit, souvent partagées avec un autre actionnaire significatif et ne peuvent être ‘attaquées’ dans leur concession par l’Etat italien.
- Le retour possible de Matteo Salvini dans le jeu politique au travers des élections régionales… https://www.cnbc.com/2020/01/13/matteo-salvini-return-a-regional-vote-in-italy-risks-further-chaos-in-rome.html
Là encore, les jeux ont été trop vite considérés comme finis par les marchés financiers et, bien que nous considérons toujours à long terme que la solidarité européenne jouera à plein pour l’Italie, ce ne sera pas sans nouveaux heurts et sans nouveaux écartements de spreads. Ainsi, à 1,4% de rendement sur une maturité 10 ans, il nous semble que la prime n’est aujourd’hui plus suffisante pour se positionner sur les obligations italiennes. Nous pourrions considérer y revenir à partir de 2,5% de rendement minimum, ce qui pourrait advenir en quelques jours à peine, comme on l’avait observé en 2017 et 2018.