par Michel Rose
PARIS (Reuter) - Les membres de l'Union européenne (UE) doivent prendre conscience que la Chine est un rival systémique et ne pas faire preuve de "naïveté" lorsqu'ils acceptent des investissements chinois, a déclaré lundi Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, dans un avertissement à peine voilé à l'Allemagne. Au cours des dernières années, l'Union européenne a adopté une série de mesures défensives visant à mieux contrôler les investissements des entreprises publiques étrangères, y compris chinoises, afin d'éviter que des puissances rivales ne les utilisent pour exercer des pressions politiques. De nombreux diplomates ont été déconcertés par la récente décision de l'Allemagne d'approuver la vente d'une participation de 24,9% dans le port de Hambourg, le plus grand du pays, à la société chinoise Cosco.
En réponse à cet investissement, Thierry Breton a déclaré lors d'un entretien accordé à Reuters qu'il "préférait" la décision de vendre seulement 25% du terminal plutôt que la proposition initiale de 35% de participation avec minorité de blocage. "Il faut que nous soyons extrêmement vigilants", a-t-il dit. "Les États membres ne peuvent plus dire : cela a déjà été fait avant, donc je vais continuer à le faire". Depuis que l'UE a qualifié la Chine de "rival systémique" en 2019, l'UE a adopté une série de mesures qu'elle peut utiliser pour bloquer les investissements dans les infrastructures critiques, a rappelé le commissaire. "Il appartient aux Etats membres de s'en saisir et de faire évoluer leurs comportements." Cet avertissement intervient avant la visite du chancelier allemand Olaf Scholz à Pékin le 4 novembre, la première d'un dirigeant de l'Union européenne en Chine depuis le début de la pandémie de COVID-19. Le dirigeant allemand a fait l'objet de critiques pour avoir autorisé le chinois Cosco à investir à Hambourg malgré la forte opposition de ses partenaires de coalition, qui s'inquiètent de l'influence chinoise sur les infrastructures critiques. Des sources gouvernementales françaises et allemandes ont déclaré à Reuters qu'Emmanuel Macron avait suggéré à Olaf Scholz qu'ils se rendent ensemble à Pékin pour envoyer un signal d'unité européenne, mais le chancelier allemand a décliné l'offre du président français. Interrogé sur le voyage d'Olaf Scholz, Thierry Breton a déclaré que les pays de l'UE devraient adopter une approche plus unie. "Il est très important que les Etats (...) fassent évoluer leur comportement vis-à-vis de la Chine, dans un cadre beaucoup plus coordonnée plutôt qu'individuel, comme la Chine évidemment ne cesse de vouloir le faire", a-t-il dit. L'approche plus défensive de l'UE à l'égard de la Chine vient en réponse à l'attitude de Pékin durant la pandémie de COVID-19, lorsque les autorités ont exploité la dépendance des Européens à travers la "diplomatie des masques", a noté Thierry Breton. "Tout ces éléments, nous ne pouvons pas les oublier (...) L'ère de la naïveté c'est terminé. Le marché européen est ouvert, sous conditions." Il a également averti les entreprises européennes, qui seraient tentées d'accroître leurs investissements en Chine, qu'elles le faisaient à leurs risques et périls dans un pays qui devient plus "autocratique". Le groupe chimique allemand BASF (ETR:BASFN) a notamment déclaré viser une expansion en Chine, au détriment de ses sites en Europe qu'il veut réduire "de manière permanente" pour cause de croissance atone, de coûts énergétiques élevés et d'une réglementation excessive. "Il y a des incertitudes pour les entreprises qui vont faire ce pari", estime Thierry Breton. "Il y a un avantage très important à être basé en Europe: l'état de droit, la protection des entreprises et la visibilité".
(Reportage Michel Rose, version française Kate Entringer)