par Leika Kihara et Stanley White
TOKYO (Reuters) - Le gouverneur de la Banque du Japon a redit mercredi sa volonté de maintenir une politique monétaire ultra-accommodante jusqu'à ce que l'inflation atteigne son objectif de 2% et a mis en garde contre l'impact d'une escalade des tensions commerciales sur la croissance mondiale.
Soucieux cependant de ménager l'avenir, Haruhiko Kuroda a souligné qu'aucune banque centrale ne tenait à maintenir éternellement une politique monétaire non conventionnelle, emboîtant ainsi le pas au Premier ministre Shinzo Abe qui avait tenu des propos en ce sens vendredi.
"Si nous atteignons notre objectif d'inflation de 2%, il ne sera plus nécessaire de poursuivre notre assouplissement monétaire massif et donc on s'orientera vers une sortie. Mais cela ne signifie pas qu'il ne faille pas poursuivre l'assouplissement maintenant", a déclaré le gouverneur lors de d'une conférence de presse au terme de deux jours de réunion du comité de politique monétaire de la BoJ.
"Aucune banque centrale ne souhaite durcir ou assouplir sa politique indéfiniment. Toute banque centrale veut bien sûr atteindre son objectif le plus tôt possible et normaliser sa politique."
Ces déclarations, après l'annonce sans surprise d'un statu quo de la banque centrale sur ses taux, illustrent le dilemme auquel elle est confrontée : la faible inflation et les risques pesant sur les perspectives économiques l'obligent à maintenir une politique ultra-accommodante mais celle-ci à un coût croissant, notamment pour le secteur bancaire.
Les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine entraînent des risques supplémentaires pour l'économie japonaise, tournée vers l'exportation.
Publiée mercredi, la statistique mensuelle du commerce extérieur japonais a montré une hausse de 6,6% des exportations en août, après +3,9% en juillet, signe que les entreprises nippones ne sont pas encore affectées.
Mais Haruhiko Kuroda a mis en garde contre toute complaisance, expliquant que des mesures de représailles bilatérales pouvaient avoir des conséquences bien au-delà des seuls échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine.
"Le protectionnisme pourrait impacter non seulement tous les pays concernés (par les conflits commerciaux) mais l'économie mondiale dans son ensemble à travers la chaîne logistique", a-t-il dit. "Nous observons ces développements avec beaucoup d'inquiétude."
"CONVERGENCE DE VUES" AVEC ABE
Un ralentissement de la demande extérieure viendrait encore compliquer la tâche de la BoJ, qui n'a toujours pas atteint son objectif d'inflation malgré des années de rachats massifs d'actifs.
Les risques pour la croissance mondiale ne sont pas suffisants à ce stade pour altérer la confiance de la BoJ dans la poursuite d'une reprise modérée au Japon, a dit le gouverneur.
Il a ajouté que la banque centrale était consciente du coût de sa politique monétaire mais a affirmé qu'elle ne retirerait pas ses mesures de soutien tant que l'inflation n'aurait pas atteint l'objectif de 2%.
L'inflation de base, qui inclut l'énergie mais pas les produits alimentaires frais, est restée bloquée à 0,8% en juillet selon les dernières données disponibles.
Plusieurs années de taux ultra-bas et de rachats d'actifs ont asséché la liquidité du marché obligataire et mis à mal les profits des banques, suscitant des inquiétudes jusqu'au sein de la BoJ.
En réponse, la banque centrale avait décidé en juillet de permettre aux rendements obligataires d'évoluer de manière plus souple autour de son objectif de zéro pour cent pour les taux longs.
La BoJ a, comme attendu, réaffirmé cet engagement et maintenu son objectif de taux d'intérêt à court terme à -0,1%.
La décision monétaire a été adoptée à sept voix contre deux.
La BoJ s'est réunie à la veille d'une primaire, jeudi, au sein du parti au pouvoir qui devrait placer le Premier ministre Abe en orbite pour un nouveau mandat.
La politique ultra-accommodante de la banque centrale constituait l'une des trois "flèches" du programme d'Abe pour redresser le pays mais il a indiqué la semaine dernière que l'amélioration des conditions permettrait d'en sortir.
"Je ne pense pas que cela doive durer éternellement", a-t-il dit lors d'une conférence de presse, interrogé au sujet de la politique de soutien de la BoJ. "Mais quant à modifier la politique accommodante, c'est à Kuroda d'en décider."
Kuroda s'est refusé mercredi à commenter ces propos directement mais a assuré qu'il y avait convergence de vues entre la banque centrale et le gouvernement sur la nécessité de poursuivre les efforts pour sortir le pays de la déflation.
(Avec Tetsushi Kajimoto et Kaori Kaneko; Danielle Rouquié et Véronique Tison pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)