Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a engagé depuis plusieurs mois une "dédollarisation" de son économie pour redonner au franc congolais tous les attributs d'une monnaie nationale.
Le dollar américain était apparu dans l'économie congolaise au début des années 90 quand l'inflation atteignait 2000%, sous la présidence de Mobutu Sese Seko (1965-1997). A la fin de l'année 2012, le billet vert représentait 89% des dépôts et 95,2% des crédits, selon la Banque centrale du Congo (BCC).
Depuis cette hyperinflation, la plupart des transactions se font en monnaie américaine - à l'exception des commerces de détail où la seule coupure de 500 francs congolais (0,5 dollar environ) est utilisée par liasses de plus en plus usées.
Début juillet, des billets de 1.000, 5.000, 10.000 et 20.000 fc ont commencé à être injectés dans l'économie - s'ajoutant à ceux de 500, 200, 100 et 50 fc - mais ils restent peu courants et ne sont pas encore utilisés par les petits commerçants, qui les ont d'ailleurs accueillis avec méfiance.
Ces nouvelles coupures "devraient apparaître peu à peu", a expliqué à l'AFP Bruno Degoy, responsable local de la Bank of Africa. Selon lui, la parité du dollar et du franc congolais, établie entre 916 et 922 fc pour un dollar, garantit cet usage progressif de la monnaie nationale. "Tout est en place", affirme-t-il, expliquant que le taux de refinancement de la Banque centrale est tombé à 3% en 2012 alors qu'il était encore de 70% en 2009.
En septembre dernier, le gouverneur de la Banque centrale, Jean-Claude Masangu, a, dans un discours, annoncé le lancement du processus de dédollarisation dans le pays dirigé depuis 2001 par Joseph Kabila.
La croissance économique, la stabilité des prix et du taux de change ainsi que l'essor de l'activité financière, le permettent, a expliqué M. Masangu. Il a aussi tout de suite rassuré les détenteurs de devises: "Il n'y aura pas de conversion forcée".
Interrogé mardi par l'AFP, le gouverneur de la Banque centrale a toutefois annoncé son intention de modifier le système national de paiement qui se fera en devises et en francs congolais. "Une fois qu'on aura établi la confiance à travers ce système, on fermera la vanne de la devise pour que tous les paiements puissent se faire en monnaie nationale", a dit M. Masangu, se montrant très confiant. Selon lui, le délai de cette réforme serait de 7 à 10 ans.
"Blessé de guerre"
Depuis l'annonce de la dédollarisation, le gouvernement a demandé aux commerçants d'annoncer leurs prix en francs congolais. Les impôts et taxes, nombreux dans le pays, sont également libellés en francs congolais même s'ils sont payés en dollars comme toutes les transactions importantes.
A chaque occasion, le chef du gouvernement Augustin Matata Ponyo assure qu'en 2012 le taux de croissance de la RDC a été de 7,2%, avec une prévision de 8,3% en 2013. L'inflation a été maintenue à 2,73% l'an passé et les réserves de change, qui n'étaient que de deux jours en 2009, ont dépassé les deux mois.
Le ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba, avait lors de l'annonce de cette dédollarisation, rappelé que d'autres pays africains comme l'Angola, le Ghana, le Mozambique, suivaient la même voie. Seule la Zambie a, selon lui, opté pour une "voie dure" et réintroduit un contrôle des changes.
En RDC, "les autorités budgétaires et monétaires ont choisi de laisser faire les forces du marché", a-t-il ajouté.
Mais "il faut que les gens s'habituent à utiliser la monnaie nationale, les banques participent à cela", explique M. Degoy. "Si on va trop vite, on va déstabiliser les banques et les opérateurs qui ont des crédits en dollars", souligne-t-il. Il imagine que, comme au Pérou, d'ici 8 à 10 ans, la moitié des opérations pourraient se faire dans la monnaie locale.
Même si apparemment les Congolais tendent à valoriser davantage le dollar que le franc congolais. Ainsi, lors des transactions, le billet vert doit toujours être impeccable. S'il est légèrement froissé ou déchiré, il peut-être refusé, ou accepté mais avec une valeur réduite.
Alors que le franc congolais, lui, circule très souvent taché, déchiré, voire amputé, ce qui lui vaut le surnom peu flatteur de "blessé de guerre".