Le gouvernement devra faire preuve de doigté pour faire accepter sa réforme des retraites, financée par les salariés, les entreprises et les retraités, et convaincre les plus réticents, à commencer par le patronat, avant une journée test de mobilisation syndicale.
A l'issue de deux journées marathon de concertation au cours desquelles il a tenté de s'assurer un large soutien des partenaires sociaux - syndicats et patronat - le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a, contre toute attente, détaillé ses arbitrages dès la fin des rencontres.
La porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a justifié cette rapidité par la nécessité de rassurer les Français.
Selon elle, François Hollande a qualifié mercredi la réforme de "juste", "équilibrée", "et qui "garantit l'avenir", lors du Conseil des ministres.
La principale interrogation, concernant le moyen de financer les régimes à l'horizon 2020 - dont le déficit aurait dépassé 20 milliards d'euros en l'absence de mesures, tous régimes confondus - a ainsi été levée.
Finalement, ce sont les salariés et les entreprises qui vont être mis à contribution, via une hausse des cotisations vieillesse atteignant 0,3 point pour la partie salariale comme pour la partie patronale, à l'horizon 2017, ce qui représente 4,5 euros par mois pour un salarié au SMIC.
Opportunément, le Premier ministre a annoncé au même moment le rétablissement de l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu, une décision favorable aux contribuables.
La hausse des cotisations rapportera 4,4 milliards d'euros sur les 7,3 milliards économisés grâce à la réforme pour le régime général (salariés du privé), ainsi équilibré en 2020. Cette solution avait la préférence des syndicats - par rapport à une hausse de la CSG - alors que le patronat y était fermement opposé.
Aussitôt les mesures annoncées, le Medef, qui entame son université d'été ce mercredi, a dénoncé une "non-réforme dangereuse" et "pas acceptable".
Le gouvernement promet une compensation via les cotisations familiales, une solution susceptible d'apaiser la grogne patronale.
Bruxelles, qui avait insisté sur la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises, s'est contenté de "prendre note" des annonces, avant de connaître les détails.
Les actifs seront également touchés, à plus long terme, par un allongement de la durée de cotisations, qui atteindra 43 ans en 2035, soit à partir de la génération 1973, contre 41,5 actuellement.
Une réforme "responsable" et "juste"
Mais les économies de cette mesure n'interviendront qu'en 2030, rapportant 2,7 milliards d'euros.
Enfin, les retraités participeront aussi à l'effort, à hauteur de 2,5 milliards d'euros en 2020.
D'autres mesures visent à corriger les inégalités du système pour les salariés à temps partiel, les femmes ou les jeunes.
Reste que quatre syndicats (CGT, FO, FSU et Solidaires) ont maintenu leur appel à une journée d'action le 10 septembre contre l'allongement de la durée de cotisation, jugeant à l'image de la CGT ne pas avoir été "entendus".
A la gauche du PS, le secrétaire national du PCF Pierre Laurent a estimé que les choix du gouvernement s'inscrivaient "dans la lignée" de "la réforme Fillon-Sarkozy" de 2010.
L'exécutif avait pourtant pris soin d'écarter les sujets les plus polémiques, souhaitant justement éviter la contestation sociale de 2010 engendrée par la réforme Sarkozy: pas de recul de l'âge légal de départ, pas d'alignement public-privé, pas de gel des pensions.
Au risque d'être accusé de manquer de courage, alors que la gauche s'empare pour la première fois de ce dossier ultra-sensible.
"Les premières victimes de cette réforme, c'est la jeune génération, c'est sur elle que l'absence de décisions courageuses va faire peser l'avenir du financement", a estimé le président de l'UMP Jean-François Copé.
Pour Eric Woerth (UMP), le gouvernement réalise une réforme "de lâcheté", "pour ne pas avoir d'ennuis avec les syndicats" et "éviter de mettre des gens dans la rue".
De fait, la réforme ne conduira pas à l'équilibre de l'ensemble des régimes, laissant en suspens la question du déficit des fonctionnaires ou des régimes spéciaux.
Mais la grande avancée pour les syndicats est la mise en place d'un compte en 2015 pour que les salariés exerçant des métiers pénibles puissent se reconvertir ou partir plus tôt à la retraite.
Une mesure qui a permis à Jean-Marc Ayrault de gagner l'adhésion des syndicats réformistes: la CFDT s'est félicitée "des mesures de justice" et la CFTC a jugé "acceptables" les mesures du projet attendu à partir du 7 octobre à l'Assemblée.