Le "made in France", au coeur de la campagne électorale, devient aussi un argument de vente à l'étranger pour les ateliers de sous-traitance du luxe dont certains, bien qu'encore très dépendants des grandes maisons parisiennes, tentent de se diversifier à l'international.
"L'essentiel des clients restent de grandes marques parisiennes. On est encore très dépendants d'eux. On essaye de se diversifier, c'est pour ça qu'on va à l'export", explique ainsi Jean Normand, PDG de Bocage Avenir Couture.
Cette société de confection participe au salon "made in France" de la haute façon, qui réunit mercredi et jeudi à Paris des fabricants de pantalons ou de manches de chemises, des corsetiers, des maroquiniers... travaillant pour des créateurs de mode et des grandes maisons de luxe. Ce secteur pèse 450 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et emploie 10.000 personnes dans environ 200 PME, pour moitié situées dans la région ouest.
Bocage Avenir Couture travaille à 75% pour de grandes maisons, surtout françaises. "On a commencé à regarder vers l'Angleterre en 2007. On est passé de rien à 15%-20% de notre chiffre d'affaires aujourd'hui", se réjouit M. Normand. La société, rachetée par ses salariés en 2003 après un dépôt de bilan, "n'aurait pas pu revenir dans le vert sans ce marché", juge-t-il.
Avec la crise économique en 2009, qui a fait plonger de plus d'un tiers le chiffre d'affaires du secteur, il a fallu "essayer de trouver des solutions alternatives", souligne aussi Tony Herblot, président du syndicat Mode Grand Ouest qui réunit les façonniers de cette région. Sa propre société de confection, Socovet Sistem, réalise aujourd'hui 15% de son chiffre d'affaires à l'étranger. Et "des confrères vont jusqu'à 50%".
Pour les créateurs de mode étrangers, la fabrication française est un gage de qualité, qui compense des prix élevés.
"Nous avons un savoir-faire reconnu", dit M. Herblot. "Made in France est un argument en or."
"Le client final y est très sensible dans les boutiques", juge aussi M. Normand, évoquant "une vraie légitimité à faire certaines choses en France", comme le travail du "flou", des tissus fragiles très fins, voire transparents, nécessitant un travail de précision réalisé en grande partie à la main. "S'il y a des clients britanniques alors que nous sommes parmi les pays les plus chers, c'est parce qu'il y a cette qualité", insiste-t-il.
Outre les britanniques, il évoque des manifestations d'intérêt en Belgique et aux Pays-Bas, et même la visite récemment d'investisseurs chinois venus voir "si nous avons les capacités pour produire les volumes nécessaires".
"Un groupe de Chinois est venu visiter des usines de maroquinerie, de chaussures, d'habillement...", raconte aussi Alain Moreau, patron de Manoukian et co-président de l'Union française des industries de l'habillement (UFIH). "Leur objectif est de créer des bureaux sur Paris. Ils veulent du vrai Made in France."
Les entreprises qui se risquent à l'étranger restent malgré tout peu nombreuses. Cela présente en effet des contraintes, notamment linguistiques.
Il ne faut pas non plus nuire aux relations entretenues parfois depuis des années avec les grandes maisons de luxe, dont les façonneurs restent très dépendants. Trois d'entre elles assurent ainsi 95% de l'activité de Jacques Martin-Lalande, gérant des ateliers de confection FLS et Confection Fléchoise.
"On a essayé d'aller à l'international", affirme-t-il en évoquant "quelques clients étrangers", notamment un Japonais. "Ce n'est pas évident, car on passe autant de temps avec un petit client qu'avec un grand donneur d'ordres. Nous avons fait le choix stratégique de limiter ces petits clients pour ne pas diminuer notre niveau de disponibilité pour les grands clients."