Les autorités chypriotes ont mis en place mardi une commission d'enquête pour déterminer les responsabilités, au plus haut niveau, dans la tourmente financière qui s'est abattue sur le pays et a provoqué la fermeture de la deuxième banque de l'île.
Le président chypriote Nicos Anastasiades a appelé les trois juges membres de la commission (George Pikkis, Panayiotis Kallis et Yiannakis Constantinides) d'enquêter "en priorité" sur sa propre personne et sur sa famille.
Les médias chypriotes bruissent ces derniers jours de rumeurs sur des transferts providentiels effectués par des proches de M. Anastasiades, de son prédécesseur communiste Demetris Christofias, ou d'autres personnalités politiques.
Mardi, M. Anastasiades, élu fin février, a mis en cause les "actes" et les "lacunes" de certains responsables lors de la cérémonie de prestation de serment des juges qui ont trois mois pour rendre leurs conclusions.
"Une série d'actes et de lacunes de la part de ceux chargés de la gestion de l'économie et du système bancaire ont conduit le pays au bord de la faillite, à la dissolution d'une des plus grandes banques et à la perte de milliards de dépôts", a-t-il souligné.
"La situation actuelle de notre économie et de notre peuple résulte sans aucun doute d'une conjonction de facteurs aussi bien internes qu'externes", a dit le président, un vétéran de la droite chypriote, âgé de 66 ans.
Outre des accusations de transferts douteux, la commission doit aussi enquêter sur une liste de personnalités politiques et leurs proches qui auraient bénéficé d'effacements de dettes au cours des cinq dernières années.
Des accusations relayées par la presse ont évoqué d'importantes sommes transférées depuis les deux principales banques -Bank of Cyprus et Laïki- vers l'étranger juste avant le début de la crise.
Au bord de la faillite, Chypre a obtenu le 25 mars un plan de sauvetage international de 10 milliards d'euros, au prix d'une restructuration drastique de son système bancaire qui va voir les gros clients de Laïki et Bank of Cyprus perdre une grande partie de leurs avoirs.
Les comptes dépassant 100.000 euros sont gelés à la Bank of Cyprus et à la Laïki. La seconde doit être liquidée, et les gros comptes de la première doivent subir une ponction qui pourrait aller jusqu'à 60%.
Les petits comptes de la Laïki ainsi que tous les crédits vont être transférés à la Bank of Cyprus où ils fonctionneront normalement. Les sommes dépassant les 100.000 euros, une fois minorées par les éventuels crédits, resteront dans une "bad bank" appelée à disparaître.
A la Bank of Cyprus, les détenteurs de dépôts de plus de 100.000 euros, minorés des éventuels crédits en cours, verront au moins 37,5% de leurs fonds transformés en actions.
En outre, 22,5% des sommes dépassant le plafond seront immobilisées jusqu'à ce que les autorités déterminent si elles en ont besoin pour remplir les conditions du plan de sauvetage de la troïka (UE, BCE et FMI).
Parallèlement, les autorités continuaient à limiter les mouvements de fonds. Pour les entreprises, seules les transactions commerciales habituelles et validées par une commission indépendante sont autorisées.
Pour les particuliers, les retraits sont limités à 300 euros par jour et par personne. Les virements bancaires restent impossibles vers l'étranger et limités vers Chypre même.
Par ailleurs, la troïka des créanciers internationaux de Chypre a assoupli les termes du plan de sauvetage de l'île en lui donnant notamment plus de temps pour atteindre les objectifs de réduction de déficit qui lui ont été fixés, a rapporté mardi le Wall Street Journal, citant un projet de document.
Chypre aurait désormais jusqu'à 2017 pour atteindre un excédent primaire (hors service de la dette) de 4% du PIB, au lieu de 2016 comme initialement prévu, écrit le WSJ.
En attendant, la solidarité s'organise avec les victimes de la crise économique. Lundi soir une foule immense a assisté à Nicosie à un méga concert d'artistes grecs et chypriotes à l'initiative d'associations caritatives afin de collecter des denrées alimentaires.