Au bord de la faillite, Chypre attendait jeudi le "plan B" des autorités pour sortir l'île d'une crise qui provoque une forte tension entre Moscou et l'Union européenne, alors que la BCE mettait Nicosie au pied du mur.
La Banque centrale européenne a indiqué qu'elle maintenait la fourniture de liquidités d'urgence pour Chypre jusqu'à lundi. Mais cette bouée s'accompagne d'un ultimatum car, après cette date, ces liquidités d'urgence "ne pourront être envisagées que si un programme UE/FMI est en place qui assure la solvabilité des banques concernées".
A Moscou, le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a lui menacé de revoir la part de l'euro dans les réserves du pays si le règlement de la crise financière à Chypre lèse les intérêts russes, au moment où le président de la Commission européenne José Manuel Barroso était attendu dans la capitale russe.
La crise à Chypre constitue "un risque systémique", a prévenu de son côté le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, en insistant sur la nécessité de "protéger l'intégrité de la zone euro".
Le président chypriote Nicos Anastasiades a réclamé qu'une décision soit prise "jeudi au plus tard" par les élus sur une version amendée du plan de sauvetage. Les banques de l'île, fermées depuis le week-end dernier, vont le rester encore cinq jours.
M. Anastasiades était en train de présenter jeudi matin aux chefs de file parlementaires ce "plan B". Il pourrait être soumis au vote du Parlement dans l'après-midi, selon des sources gouvernementales.
Ce plan pourrait comprendre un prélèvement sur les dépôts bancaires supérieurs à 100.000 euros. Une première version, qui prévoyait une ponction sur tous les comptes sauf ceux présentant un crédit inférieur à 20.000 euros, avait été rejetée mardi soir par le Parlement chypriote.
Un porte-parole du gouvernement avait en outre indiqué mercredi que le plan pourrait inclure une nationalisation des fonds de pensions d'institutions publiques et semi-publiques.
Une autre solution pourrait être la contraction du secteur bancaire, avec une fusion des deux principales banques pour réduire le montant de la recapitalisation nécessaire, selon la même source.
Selon des sources gouvernementales, il inclut l'établissement d'un fonds d'investissement structurel.
Ce fonds sera également lié à une émission d'obligations, avec la perspective de revenus massifs que pourraient générer d'ici une décennie les réserves de gaz récemment découvertes au large de ses côtes.
La radio a annoncé pour sa part que les autorités envisageait une loi restreignant les sorties en liquide du pays une fois les banques rouvertes, en principe mardi (après 10 jours de fermeture), et scindant les établissements en deux catégories, bonnes et mauvaises banques.
Mécontentement russe
Chypre doit trouver les moyens de financer sa part du plan de sauvetage européen qui s'élève à 7 milliards d'euros sur un total de 17 milliards d'euros. Le plan initial prévoyait que 5,8 milliards proviennent de la taxe sur les dépôts bancaires. Ses partenaires européens lui apporteront en échange 10 milliards pour renflouer ses banques et payer ses dettes.
Le 1,2 milliard restant doit être levé grâce à plusieurs mesures, dont des privatisations et une hausse de l'impôt sur les sociétés et sur les revenus du capital.
Nicosie s'est aussi tournée vers Moscou, partenaire économique de premier plan et avec lequel les liens culturels sont très forts, pour demander de l'aide. Le ministre chypriote des Finances Michalis Sarris est en Russie depuis mardi pour essayer d'obtenir une extension du crédit de 2,5 milliards d'euros accordé à Nicosie en 2011 et qui arrive à terme en 2016.
La crise provoque une forte tension entre la Russie et l'Union européenne, les Russes protestant contre les projets de taxer les dépôts des sociétés et ressortissants russes à Chypre qui s'élèveraient, selon certaines estimations, à 20 milliards d'euros.
La perspective d'une taxe exceptionnelle imposée par l'UE sur les dépôts bancaires à Chypre "est une raison pour réfléchir" sur l'euro, a déclaré M. Medvedev dans un entretien à des médias européens publiée jeudi.
"Entre 41% et 42% de nos réserves sont en euros et la proposition (européenne à Chypre, NDLR) est non seulement imprévisible, elle est inadéquate", a-t-il dit.
Ce climat n'aide pas les efforts de M. Sarris et aucun accord n'avait encore été annoncé avec les autorités russes jeudi matin.
A Chypre, les habitants pouvaient encore retirer de l'argent aux guichets, mais tous les virements sont bloqués.
Le "plan B" doit permettre à l'île, touchée de plein fouet par la crise grecque et la récession économique, de se sortir du marasme tout en garantissant la viabilité à long terme de son économie.
La crise qui touche Chypre -- membre de l'UE depuis 2004 et de l'euro depuis 2007 -- ne pesait toutefois guère sur la monnaie unique européenne qui se renforçait légèrement jeudi face au dollar à 1,2947 dollar pour 1,2937 mercredi soir.