Plusieurs centaines de buralistes se sont rassemblés mercredi midi devant le Sénat à grand renfort de sirènes et de fumigènes pour tenter de faire annuler le projet de paquet de cigarettes neutre, sans logo, prévu dans la future loi de Santé, en cours d'examen.
La commission des affaires sociales du Sénat, qui commençait mercredi après-midi l'examen du projet de loi, a supprimé le texte instaurant le paquet neutre à partir de mai 2016, ce qui en remet pas en cause définitivement ce dispositif.
Elle a adopté un amendement déposé par le sénateur PS Richard Yung proposant de suivre la directive européenne qui prévoit d'accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets tout en conservant la marque, estimant que le paquet neutre est une "atteinte à l'image des marques", a indiqué à l'AFP un de ses membres.
C'est exactement ce que demandaient les buralistes, et notamment le président de la confédération, Pascal Montredon : "Appliquer la directive européenne, mais pas plus".
Le paquet neutre pourrait toutefois être réintroduit en séance, en septembre, à la faveur d'un autre amendement du gouvernement ou de la gauche.
Les représentants des 26.000 débitants de tabac français n'ont pas lésiné sur les sirènes, pétards, sifflets et cornes de brume pour se faire entendre des sénateurs, brandissant des pancartes "Qui veut la disparition des buralistes?", "Commerces de proximité en danger" ou encore "Paquets neutres = trafic à tout va".
Avec le paquet neutre, les buralistes redoutent la fuite de leurs clients et l'augmentation du marché parallèle, qui représente déjà selon eux déjà 26,3% de la consommation dans l'Hexagone.
"Nous sommes entourés de pays où l'on trouve des paquets à trois euros (contre au moins 6,50 en France, NDLR). Là, nous allons voir exploser les marchés parallèles, et les paquets à bas prix vont se vendre à proximité des collèges et des lycées", prédit Gérard Vidal, président de la fédération de Haute-Garonne.
"Il faut arrêter de taper sur les buralistes et d'infantiliser les gens", dénonce de son côté Myriam, de la fédération du Rhône. "D'un côté, l’État nous prend de l'argent, de l'autre, on nous explique que ce n'est pas bien", ajoute-t-elle, masque blanc du buraliste "générique" sur le visage.
"Marisol Touraine se trompe de cible. (...) Ce n'est pas parce qu'il n'y aura plus de buralistes qu'il n'y aura plus de fumeurs", plaide Pascal Montredon.
- 'Dernier commerce de proximité' -
"Les buralistes, ce sont souvent le dernier commerce en milieu rural. Grâce à eux, les villages de 200, 300, 500 habitants ont accès aux services publics, à la Poste", a encore expliqué le sénateur de l'Yonne Jean-Baptiste Lemoyne (LR), membre de la Commission.
Le cortège est passé devant un bureau de tabac rendu "neutre", à la façade recouverte d'avertissements sanitaires, il s'est installé devant le Palais du Luxembourg pour un pique-nique.
Un peu plus tôt dans la matinée, "quatre tonnes de carottes", en référence au losange rouge des débits de tabac, avaient été déversées devant le siège du Parti socialiste.
Arme anti-marketing, le paquet neutre prévoit un emballage standardisé, de couleur olive, sans logo, avec des avertissements sanitaires (images et texte) sur 65% des faces avant et arrière. La marque sera limitée à une inscription discrète. Il a pour objectif majeur d'éviter l'entrée des jeunes dans le tabagisme.
La confédération des buralistes a lancé le 18 juin un "tour de France" des buralistes pour mobiliser la profession. Une journée de protestation nationale aura lieu le 8 septembre, premier jour de l'examen en séance au Sénat du projet de loi de Santé.
Depuis plusieurs jours, ils multiplient les actions dans plusieurs régions, occultant des radars. Dans le Lot-et-Garonne, deux radars routiers fixes ont été neutralisés dans la nuit de mardi à mercredi, recouverts de sacs plastiques et d'affichettes.
La France compte environ 13 millions de fumeurs quotidiens et chaque année, le tabac est responsable de la mort prématurée de 73.000 personnes.
Conscient des risques liés à l'instauration du paquet neutre, le gouvernement entend renforcer parallèlement la lutte contre le trafic de cigarettes. Un projet de loi permettant d'améliorer la traçabilité des paquets de cigarettes sera examiné le 17 septembre à l'Assemblée nationale.