La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi le maintien à 1,50% de son taux directeur, référence du coût du crédit en zone euro, malgré la forte dégradation de la situation économique et financière mondiale.
Les tenants d'une politique monétaire rigoureuse semblent l'avoir emporté dans un contexte de bond de l'inflation en septembre en zone euro. Un relâchement du crédit aurait permis de donner de l'oxygène à l'économie de la zone, engluée dans une crise de la dette qui menace la Grèce de faillite.
Aussitôt, la Bourse de Francfort, déçue, a marqué le pas après avoir évolué en bonne hausse toute la matinée dans l'espoir d'"une action coordonnée" pour recapitaliser les banques de la région.
Le président de la BCE, le Français Jean-Claude Trichet, qui présidait sa dernière réunion sur les taux, décentralisée à Berlin, avant de laisser la place le 1er novembre à l'Italien Mario Draghi, doit donner une conférence de presse à partir de 12H30 GMT.
La plupart des économistes s'attendent à ce qu'il laisse entendre une baisse dès le mois prochain ou au plus tard en décembre, en raison de la dégradation inquiétante des principaux indicateurs économiques.
Mercredi, le FMI avait invité les banques centrales à "faire une pause ou machine arrière" dans leur politique monétaire, redoutant une récession au niveau mondial en 2012.
Après les deux hausses opérées en avril et juillet, de 25 points de base à chaque fois, la BCE semblait depuis quelques semaines prête à suivre cette voie. Mais c'était compter sans l'inflation.
La hausse des prix s'est établie en septembre à 3%, selon des données provisoires publiées vendredi. Au plus haut depuis mi-2008, elle se situe pour le dixième mois d'affilée au-dessus du seuil de 2% en rythme annuel visé sur le moyen terme par la BCE.
Bien que tout le monde - y compris M. Trichet - s'accorde à penser qu'il s'agit d'un phénomène transitoire, lié au coût des matières premières et de l'énergie, "les faucons du conseil des gouverneurs seront particulièrement circonspects concernant une baisse", avait prédit avant la décision Christian Schulz, de Berenberg Bank.
M. Trichet devrait en revanche annoncer dès ce jeudi de nouvelles actions en faveur des banques de la zone euro.
Mercredi, la chancelière allemande Angela Merkel avait exhorté l'Europe à accélérer la recapitalisation des banques qui en ont besoin tandis que, selon plusieurs sources, les ministres européens des Finances ont demandé au régulateur bancaire européen (EBA) de plancher sur les éventuels besoin en recapitalisation dans l'hypothèse d'une importante décote des titres grecs.
Signe du malaise dans ce secteur: les dépôts au jour le jour auprès de la BCE connaissent depuis fin août des pics importants, les banques en excès de liquidités préférant les placer auprès d'elle que de les prêter à d'autres établissements qui en auraient besoin. En outre la BCE a été contrainte de réactiver son programme de prêt en dollars, certains établissements semblant dans l'incapacité de se refinancer sur ce marché.
Alors qu'elle leur prête déjà à taux fixe et pour des montants illimités sur une semaine, un mois et trois mois, l'institution monétaire de Francfort (ouest) pourrait annoncer une nouvelle opération sur six mois et offrir sa première opération sur un an depuis décembre 2009.
Elle pourrait aussi réintroduire son programme de rachat d'obligations sécurisées, destiné également à les aider à se refinancer.
Les déclarations de M. Trichet sur le programme controversé de rachat d'obligations publiques sur le marché secondaire de la BCE seront également guettées, comme celles sur la possibilité de permettre au fonds de secours européen, le FESF, et à son successeur en 2013, le MES, de se refinancer auprès d'elle. Une éventualité qui n'a pas sa faveur.
La dernière conférence de presse de M. Trichet, à l'issue d'un mandat de huit ans, s'annonce "particulièrement poignante", selon les économistes de RBS. "Il part dans une période de grande incertitude et laisse à M. Draghi une BCE en mode de gestion de crise".