Le Fonds monétaire international a estimé mercredi que la crise ukrainienne avait déjà plongé la Russie en récession en raison de la chute des investissements liée aux sanctions occidentales.
"Si l'on définit une récession comme deux trimestres consécutifs de croissance négative, alors la Russie traverse actuellement une récession", a déclaré Antonio Spilimbergo, à la tête d'une mission du Fonds à Moscou, cité par les agences russes.
Pour 2014, l'organisation basée à Washington a abaissé drastiquement sa prévision de croissance, à 0,2% contre 1,3% auparavant, et averti qu'elle pourrait être amenée à la réduire encore.
Pour 2015, le Fonds a abaissé son pronostic de croissance du produit intérieur brut à 1% contre 2,3% auparavant, a précisé M. Spilimbergo.
Début avril, l'organisation basée à Washington avait déjà abaissé sa prévision pour 2014 de 1,5% à 1,3%, en raison de la crise ukrainienne, mais elle a cette fois été bien plus loin.
"Nous avons rectifié notre prévision pour prendre en compte la complication de la situation et le niveau significatif d'incertitude lié aux tensions géopolitiques et aux sanctions", a expliqué M. Spilimbergo.
"Tout cela a un effet très négatif sur le climat d'investissement", a-t-il ajouté.
Les pays occidentaux ont adopté des sanctions visant de hauts responsables proches du pouvoir mais aussi des patrons de grandes sociétés publiques russes. Le patron du pétrolier Rosneft, Igor Setchine, figure ainsi dans la dernière liste publiée lundi par Washington.
Les Etats-Unis ont averti qu'en cas de poursuite de l'escalade, ils s'en prendraient à des pans entiers de l'économie du pays et ont commencé à cibler certaines entreprises contrôlées par des hommes d'affaires proches de Vladimir Poutine, notamment des banques et des compagnies d'hydrocarbures.
"Les craintes de sanctions peuvent avoir bien plus d'effet que les sanctions elles mêmes", a observé M. Spilimbergo, soulignant "le sentiment d'incertitude" effrayant les investisseurs.
- Les fuites de capitaux ont doublé -
D'ores et déjà, les fuites de capitaux ont doublé au premier trimestre, dépassant 50 milliards de dollars, affectant le marché boursier russe et le rouble, qui s'est effondré à des records de faiblesse.
Le FMI prévoit des fuites de capitaux de 100 milliards de dollars sur l'année.
Le gouvernement a estimé que le produit intérieur brut s'était contracté de 0,5% au premier trimestre par rapport au quatrième trimestre 2013. Il prévoit pour l'année une croissance comprise entre 0,5% et 1,1%.
"Il semble qu'au deuxième trimestre nous aurons de nouveau un chiffre négatif en glissement trimestriel. De fait, le ministère des Finances n'exclut pas une récession technique", avait estimé la semaine dernière le ministre des Finances Anton Silouanov.
Après le rattachement de la Crimée à la Russie en mars, la Banque mondiale avait déjà brandi le risque d'une récession, avec une chute possible de 1,8% de l'économie russe cette année.
L'économie russe se trouvait déjà en phase de net ralentissement avant la crise ukrainienne avec une croissance de 1,3% en 2013 contre 3,4% en 2012 et 4,3% en 2011. Les experts jugent que son modèle actuel, reposant sur les prix élevés des hydrocarbures, s'essouffle.
"La crise en Ukraine n'aurait pas pu tomber à un pire moment pour l'économie russe", ont estimé les analystes de Capital Economics dans une note publiée lundi.
Selon ces experts, le pays devrait rester en récession lors du premier semestre mais le PIB pourrait chuter de 5% en 2014 en cas de nouvelle escalade.
"Les fuites de capitaux devraient persister, la chute du rouble va maintenir l'inflation à un niveau élevé, affectant les revenus des ménages et les conditions monétaires vont rester serrées", ont-il ajouté.
Vendredi, la banque centrale a augmenté pour la deuxième fois depuis le début de la crise son taux directeur, à 7,5% contre 7% auparavant. Les économistes craignent que ce resserrement du robinet du crédit, destiné à enrayer la chute de la monnaie et freiner l'accélération de l'inflation, ne pèse sur l'activité économique.
Ces difficultés économiques sont loin d'affecter la popularité de Vladimir Poutine, puisqu'un sondage publié mercredi par le centre Levada indique que 82% des Russes approuvent son action.