Emmanuel Macron a déclaré mercredi vouloir expérimenter pendant un an le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, censé entrer en vigueur le 1er janvier 2018, avant de mettre en oeuvre la réforme. Une proposition qui se heurte à des contraintes techniques et juridiques.
En quoi consiste la réforme?
Le prélèvement à la source prévoit que l'impôt sur le revenu soit collecté lors du versement du salaire, et non plus un an après comme c'est le cas actuellement, à partir du 1er janvier 2018. L'objectif est d'ajuster automatiquement l'impôt aux variations de revenus pour éviter les effets négatifs du décalage dans le temps.
Pour les salariés, l'impôt sera prélevé par l'employeur, sur la base d'un taux d'imposition calculé et transmis par l'administration fiscale. Pour les retraités, la caisse de retraite se chargera de la collecte.
L'impôt continuera d'être calculé au niveau du foyer fiscal, mais les conjoints pourront être prélevés sur la base de taux différents. Le système des crédits d'impôts sera par ailleurs maintenu, mais cet argent continuera à être perçu l'année suivante.
Que propose Emmanuel Macron?
Le candidat d'En Marche! a indiqué sur Europe 1 vouloir "expérimenter" le prélèvement à la source "pendant une année" pour "regarder les problèmes" et éventuellement "les corriger".
"Je ne souhaite pas que la réforme soit généralisée tout de suite parce qu'il y aura immanquablement des loupés techniques et je n'ai pas envie de plonger le pays dans l'incertitude totale", a justifié M. Macron.
A la différence de François Fillon et Marine Le Pen, Emmanuel Macron n'envisage pas à ce stade d'abandonner la réforme fiscale emblématique du quinquennat Hollande. "Ce n'est en aucun cas une remise en cause du prélèvement à la source, auquel il est attaché", a assuré à l'AFP son entourage.
Quelles contraintes en cas d'expérimentation?
Si l'expérimentation de la réforme a lieu "en conditions réelles", l'une des difficultés tiendra à la question de son périmètre.
Difficile en effet de se baser sur des ménages volontaires: trop d'entreprises seraient impliquées. Mais difficile aussi de s'appuyer sur un panel d'entreprises. "Les salariés concernés verraient alors leur salaire mensuel amputé par rapport aux autres contribuables sans l'avoir choisi", souligne Charles Ménard, avocat associé chez EY.
Au-delà du périmètre, c'est le principe même du traitement différencié qui pose problème. Certains contribuables seraient en effet imposés sur les revenus de l'année en cours et les autres sur les revenus de l'année précédente: une situation "contraire au principe d'égalité devant l'impôt", prévient M. Ménard.
Du côté d'En Marche!, on écarte ce cas de figure, en évoquant une expérimentation "à blanc". Ce qui reviendrait à reporter au 1er janvier 2019 le passage effectif au prélèvement à la source... à moins que la phase de test ne dure non pas un an -comme annoncé par le candidat- mais uniquement quelques semaines.
"Au final, ça correspondrait alors a ce qu'a prévu le gouvernement", rappelle toutefois Anne Guyot-Welke, de Solidaires finances publiques.
Le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert a annoncé mi-mars qu'une phase test serait lancée cet été via un panel d'entreprises. "Il faut que ce test soit fait, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", insiste-t-on du côté d'En Marche!, où l'on n'écarte pas d'utiliser cette simulation pour décider d'un éventuel ajournement de la réforme.
Quelles conséquences en cas de report?
Si la retenue à la source n'entrait pas en vigueur à la date prévue, "ça rajouterait de la complexité", estime Anne Guyot-Welke. Un avis partagé par Charles Ménard, pour qui "l'administration fiscale comme les entreprises sont en ordre de marche pour que le dispositif soit opérationel au 1er janvier 2018".
Pour les contribuables, la situation perdrait aussi en lisibilité. Bercy a en effet prévu une campagne d'information dans les prochaines semaines, puis lors de l'envoi des avis d'imposition en août, qui sera l'occasion de demander aux ménages d'opter ou non pour un taux individualisé.
Décaler l'année de transition pourrait par ailleurs pénaliser certains ménages, confrontés à de fortes variations de revenus. "On risque d'avoir une usine à gaz", juge Anne Guyot-Welke. Une fragilité liée selon Charles Ménard au calendrier de la réforme, engagée par François Hollande... à charge pour son successeur de l'appliquer.